Soutien à l’Ukraine

Faire le bien

1 Pierre 1 :

1 Pierre, apôtre de Jésus Christ, à ceux qui sont étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l`Asie et la Bithynie, 2 et qui sont élus selon la prescience de Dieu le Père, par la sanctification de l`Esprit, afin qu`ils deviennent obéissants, et qu`ils participent à l`aspersion du sang de Jésus Christ: que la grâce et la paix vous soient multipliées!

1 Pierre 2 :

11 Bien-aimés, je vous exhorte, comme étrangers et voyageurs sur la terre, à vous abstenir des convoitises charnelles qui font la guerre à l`âme.12 Ayez au milieu des païens une bonne conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes oeuvres, et glorifient Dieu, au jour où il les visitera.

Au 4ème siècle, l’empereur Julien l’Apostat voulant rétablir le paganisme dût confesser sa difficulté – en raison du fait que les chrétiens faisaient le bien. Cela lui a arraché l’aveu suivant : « Nous (paiens) avons oublié ce que la religion chrétienne a principalement revendiqué, c’est-à-dire la philantropie envers l’étranger, l’inlassable sollicitude d’une sépulture pour les morts et le sérieux de la vie morale (…) C’est une honte pour nous paiens que parmi les juifs, personne ne mendie et que les galiléens impies (les chrétiens) nourrissent non seulement leurs pauvres mais aussi les nôtres. »

2027. Le nouveau président de la République, ardent partisan de la laicité, a décidé de l’imposer à tous comme principale « idéologie », au détriment de toutes les autres, y compris religieuse. Mais les débats parlementaires qui ont suivi pour mettre en place cette nouvelle loi se sont vite révélés compliqués. La capacité des religions à faire le bien dans la société a été un argument brandi à de nombreuses reprises, notamment, pour la religion chrétienne. Cette capacité était pour les détracteurs de la laïcité un fait concret qui justifiait qu’on ne mette pas au rebus les religions et notamment la religion chrétienne. A l’issue de plusieurs mois de débat public, le président a déclaré ce soir sur le plateau de TF1 : « Nous laiques, avons oublié ce que la religion chrétienne a principalement revendiqué tous ces siècles passés, c’est–à-dire l’action sociale envers les pauvres et les étrangers et une vie morale sérieuse. C’est une honte pour nous laiques que parmi les chrétiens, personne ne mendie et qu’ils s’entraident non seulement les uns les autres mais aussi que les associations chrétiennes nourrissent, prennent soin et aident les nôtres ». Après ces propos, le président a déclaré renoncer à faire de la laicité la seule idéologie officielle du pays.

Aujourd’hui comme hier, les chrétiens sont décriés pour leur foi naïve et leur tiédeur. Beaucoup d’athées et de laïques trouvent que les chrétiens sont assez endormis pour des gens soi-disant vivants et qu’ils ne différent pas en grand-chose des autres hommes. Je n’ai que trop rarement entendu des personnes non croyantes admettre, reconnaitre ou glorifier les chrétiens pour leur propension à faire le bien et aimer leurs prochains dans ce monde. Il nous faut reconnaitre que les chrétiens ne sont pas meilleurs que les hébreux dont l’Ancien Testament nous retrace l’histoire. Au fil des siècles, ceux-ci s’étaient considérablement endormis spirituellement et ils l’ont payé cher, en commençant par un exil massif de leur terre puis l’invasion romaine. Le peuple hébreu devait être la lumière des nations, une occasion pour que les autres peuples glorifient Dieu en les voyant. Mais ils ont raté globalement leur vocation, même s’il y a eu quelques épisodes encourageants, et ce sont plutôt les paiens et leurs pêchés qui ont déteint sur eux.

Pour nous chrétiens du XXIème siècle, la situation n’a peut-être pas véritablement changé, en tous cas dans nos pays occidentaux. Le confort conquis par la civilisation occidentale a aussi passablement refroidi les chrétiens, leur ardeur dans la foi et leur énergie à faire le bien autour d’eux. « Faire le bien – et bien le faire » est le thème choisi par le SEL cette année pour sa journée annuelle. Mais une association chrétienne a-t-elle vraiment besoin de faire de ce sujet un thème de réflexion pour sa journée ? N’est-il pas évident que les chrétiens font le bien et le font déjà bien ? Quand on regarde les productions récentes du SEL sur ce sujet, il faut croire que non. Et l’endormissement spirituel des chrétiens occidentaux, parfois tant décrié mais toujours justifié, a peut-être aussi trouvé son prolongement dans une certaine tiédeur quant à l’engagement social.

Notre cœur est malheureusement parfois encore très dur, trop dur, endurci par l’indifférence surtout. Nous avons besoin de ré-apprendre inlassablement à aimer les autres, indépendement d’eux. Parfois, nous cherchons à faire du bien à l’autre car nous attendons quelque part quelque chose de lui en retour. Mais le modèle que nous a laissé Jésus est un peu différent. 1 Jean 3.16 nous dit : «A ceci, nous avons connu l’amour, c’est qu’il a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères ». Voici ce que c’est que d’aimer. L’homme est ennemi de Dieu mais Dieu, Lui, aime l’homme. Dieu a cassé le schéma du mal de façon unilatérale. L’homme n’a rien d’aimable. D’ailleurs, quand certains ont vu Jésus, ils ont fini par le haîr et dès que cela a été possible, ils l’ont pendu au bois. Quand à ses propres disciples, lorsqu’il a été arrêté, battu, flagelé, couronné d’épines, ils l’ont tous abandonné. Mais pendant qu’on abandonnait ou tuait Jésus, Lui faisait le contraire. Il nous aimait et nous faisait vivre. Pendant qu’on lui imputait des fautes qu’Il n’avait pas commise, Lui effaçait les nôtres. A ceci est l’amour. Aimer, c’est inverser la haine. Jésus n’a pas attendu qu’on lui dise merci, qu’on lui demande quelque chose, qu’on aille vers Lui. Il nous a rejoint. Il a tout fait. C’est cela l’amour unilatéral, telle une flèche qui va dans un sens et pas une flèche qui va dans un double sens.

Ceci est très important car nous avons une conviction trop erronée parfois de ce qu’est faire le bien. Par exemple, nous pensons trop souvent que faire du bien à l’autre dépend de nos émotions. Mais faire du bien à l’autre ne doit pas être dicté seulement par une émotion que nous éprouvons face à une situation difficile qu’il vit ou l’état dans lequel nous le trouvons. Faire du bien à l’autre, c’est aussi et d’abord un choix. Faire du bien à l’autre, c’est avoir un projet pour l’autre. C’est un engagement pour l’autre quel qu’il soit, quoi qu’il fasse. Cet engagement trouve son modèle dans le Christ. Les évangélistes nous invitent à suivre ce modèle. Nous sommes à l’image de Dieu. Devenons le vraiment. Ce qu’il a fait, faisons le aussi. Ce qu’Il a été, tâchons de l’être aussi. Nous sommes encouragés à développer la même capacité que le Christ à rejoindre celui qui ne peut rien faire pour nous, de lui faire ce qu’il ne peut pas nous faire en retour comme le voyageur avec le samaritain. Ce n’est pas toujours facile car ceux qui ont besoin d’être aimé et qu’on leur fasse du bien ne sont pas toujours aimables et souvent même ingrats.

L’apôtre Jean nous dit « n’aimons pas en paroles et en langue mais en action et en vérité ». Lorsque nous serons dans un mouvement de don, d’accueil dans notre cœur pour l’autre, nous saurons que nous sommes dans la vérité. C’est ce mouvement qui procurera notre bohneur, notre épanouissement. Lorsque nous nous investissons pour les autres à cause du Christ qui s’est Lui-même investi pour nous en premier, lorsque nous les verrons heureux à cause de notre engagement, alors nous le serons aussi.

Certaines personnes sont convaincues de n’avoir aucune valeur. Comment un enfant délaissé par ses parents peut-il penser avoir de la valeur ? Comment une femme battue par son mari peut-elle avoir une bonne estime d’elle ? Comment un SDF ou un migrant peut-il penser être quelqu’un sur cette terre alors qu’Il ne reçoit chaque jour que des regards d’indifférence ou de mépris la plupart du temps ? Or, quand je me rends dans une bijouterie, le prix qui est affiché me permettra de me rendre compte combien le bijou peut être précieux. De même, lorsque je paye un prix pour quelqu’un, lorsque je lui donne de mon temps, de mon énergie, de mon écoute, de mon argent, je lui signifie qu’il a une certaine valeur à mes yeux. C’est beaucoup plus que de l’accueillir deux jours ou lui donner trois habits de rechange. Faire du bien à l’autre, c’est aussi et peut-être avant tout l’aider à retrouver sa dignité d’être humain, de créature de Dieu.

Il y a trois catégories de personnes que nous sommes appelés à aimer, à rejoindre dans leur vécu et à faire du bien :

Il y a les personnes qui nous ressemblent. A celles là, l’Ecriture nous dit : faites bon accueil aux uns et aux autres » ou bien « accueillez celui qui est faible dans la foi ».Avec ces personnes là, nous sommes dans le partage. Leur faire du bien, c’est partager avec eux. Ce n’est pas un véritable effort que nous faisons. C’est quelque chose que nous faisons plutôt avec plaisir.

Il y a les personnes différentes de nous mais avec qui nous avons encore assez de points communs pour arriver à établir une relation minimale. C’est par exemple les pauvres, les nécessiteux. Nous n’avons pas la même vie que ces personnes là. Mais avec elles, nous voulons encore bien discuter ou leur donner quelque chose. Avec ces personnes là, c’est déjà un effort que nous réalisons car ce n’est pas naturellement que nous irons vers elles.

Mais après, il y a les gens impraticables : le sale, l’ivrogne qui pue, le jeune dealer, le hors la loi. Pour eux, il faut des associations bien sûr qui ont l’habitude de ces gens là. Il faut des éducateurs, des travailleurs sociaux qui ont été formés pour cela.

Certes… Néanmoins, il nous faut nous interroger quand même car nous aussi, nous étions impraticables comme ces gens là. Mais bien que nous étions impraticables, Christ est mort pour nous. L’être humain a bien montré qu’il était impraticable car par exemple, lorsque Pilate a demandé aux juifs de choisir entre Jésus et Barrabas, ils ont choisi Barrabas. Ils ont voulu qu’on libère celui qui était semblable à eux, en qui ils pouvaient se projeter. Ils n’ont pas choisi Jésus, Celui qui était différent, un pauvre gars, couronné d’épines, faible, méprisable. Moi aussi, j’étais comme ces juifs. J’ai choisi de rejeter le Christ dans ma vie pendant un temps plus ou moins long. Moi aussi, j’ai été un brigand comme Barrabas, un hors la loi, un impie, un méchant, un ennemi. Mais Jésus est venu vers moi. Il m’a accueilli, il m’a écouté, il a pris soin de moi et de mon âme en premier, il m’a racheté, il m’a aimé, il s’est donné pour moi. Alors, même si c’est difficile, si cela parait hors de notre portée, parce que nous avons reçu tout cela de Lui, peut-être pouvons nous essayer de redonner à notre mesure un peu de ce que nous avons reçu de Lui à ceux qui sont exclus, marginaux, radicalement différents de nous. Avec ces personnes là, en tenant compte de nos carences, nous pouvons essayer de faire le bien dans ces cadres plus collectifs, associatifs car nous pourrons donner à notre mesure tout en étant aidé par d’autres personnes.

Rien ne conduit en tous cas davantage à faire le bien que le fait de se savoir choisi et béni par Dieu, sauvé gratuitement et de se considérer comme étranger dans le monde. Chaque chrétien est étranger, exilé, voyageur sur la terre, même s’il habite dans un pays dont il est citoyen. C’est ce que Pierre rappelle à ses lecteurs et nous considérer comme tels doit forcement aussi nous interpeller sur nos choix de vie, nos priorités et sur notre façon de faire le bien autour de nous. C’est parce que nous savons que nous sommes choisis, aimés par Dieu et étrangers sur la terre que notre identité se définit autrement : elle ne se construit pas dans les biens matériels que nous pouvons chercher à accumuler et posséder. Notre identité, c’est Dieu qui nous la donne et un étranger de passage ne cherche pas à s’encombrer de tout ce que celui qui s’installe cherche à acquérir. Ainsi, nous serons libres pour faire le bien, y compris face à ceux qui sont dans le besoin. On peut mentionner ici le texte de la Déclaration de Lausanne qui affirme : « ceux d’entre nous qui vivons dans l’abondance acceptons comme un devoir de vivre plus simplement pour contribuer plus généreusement à l’évangélisation et à l’aide aux démunis ».

Dans le deuxième extrait de la première lettre de Pierre, l’apôtre reprend le thème de l’exilé et de l’étranger et il en tire trois conséquences quand à la conduite à adopter dans la pratique.

Au v 11, Pierre exhorte ses lecteur à s’abstenir des désirs de la chair qui font la guerre à l’âme. Il y a une face « négative » dans l’appel à faire le bien. Il ne faut pas donner un sens restrictif à l’expression « désirs de la chair » comme dans le langage courant où l’expression évoque l’aspect sexuel. Samuel Benetreau considère que les convoitises charnelles sont les désirs qui surgissent de l’homme dans sa faiblesse présente, avec sa volonté d’autonomie et son illusion d’être maître de son propre bohneur. Ce sont de tels désirs qui poussaient le peuple d’Israël à offrir à l’Eternel un jeûne sans valeur dans Esaie 58, à se livrer à leurs pendchants et à traiter durement leurs ouvriers. Ce sont de tels désirs de la chair qui bâtissent une société de consomation qui se fait, au moins en partie, sur la souffrance et l’exploitation de populations pauvres.

Au v 12, l’exhoration à faire le bien est formulée avec un mot qui signifie plus littéralement « beau », « une belle conduite », « de belles œuvres ». Il y a aussi un aspect esthétique dans le terme employé, même s’il ne faut pas forcer le trait. Faire le bien et bien le faire, de manière belle.

C’est toute la Bible qui nous montre ce que « faire le bien » veut dire. C’est dans le commandement de Jésus sur l’amour de Dieu et de son prochain que nous en trouvons le résumé essentiel. Pierre offre dans notre passage des nuances supplémentaires : « honorez tout le monde, aimez les frères, craignez Dieu, honorez le roi ». Nous sommes appelés à honorer tout le monde. Notre action sociale, qui vise à répondre aux dysfonctionnements de notre société qui affectent les plus fragiles et les plus pauvres est une manière de montrer que personne n’est exclu de l’appel à « honorer tout le monde ».

La belle conduite que nous aurons se fera parmi les gens des nations. Les chrétiens sont placés au milieu du monde et c’est là qu’ils sont appelés à faire le bien. Si l’amour que les chrétiens ont les uns pour les autres est un témoignage pour les paiens, ce témoignage aura encore plus de force si l’Eglise se place dans la société comme un modèle social différent et qui déborde du cadre ecclesial pour en faire bénéficier les gens des nations. C’est dans cette lignée que Pierre invite les serviteurs à faire le bien envers leurs maîtres non croyants, les chrétiennes à faire de même envers leurs maris non chrétiens et tous à être prêts à rendre raison de l’espérance qui est en eux.

Faire le bien avec amour à notre prochain, quelle que soit la catégorie dans laquelle il se trouve, est ainsi une occasion formidable de pouvoir glorifier Dieu et que Dieu soit glorifié chez les autres. Notre but lorsque nous faisons le bien n’est pas de nous mettre en avant comme les personnages de la saynete du 5 mn enfants. De plus, notre action sociale, notre recherche du bien d’autrui se différenciera de la philantropie qui anime les humanistes et qui en fait une valeur en elle-même, indépendamment de toute relation de l’être humain avec Dieu.

Il n’est pas précisé dans le texte de Pierre quel est le jour de « l’intervention » ou de la « visite » divine. Il peut s’agir comme beaucoup le pensent du jour du jugement où ceux qui n’auront pas cru seront obligés de reconnaitre la souveraineté de Dieu et la seigneurie du Christ. Mais il peut aussi s’agir du jour où des non-croyants seront gagnés par la foi ; aidés en cela par « la belle condutet » des chrétiens.

En conclusion, je lirais un extrait des bases bibliques du CNEF solidarité :

« Comme tous ceux qui s’engagent dans une action sociale, nous voulons réaliser le bien de l’homme. Nous voulons aussi contribuer au bien commun de la société humaine. Mais nous visons quelque chose d’encore plus haut : en servant cette société humaine, nous avons le désir de glorifier Dieu et de sanctifier Son nom. Dieu donne son sens à l’action sociale. Mais ce n’est pas pour autant qu’il existe pour cela. Dieu n’existe pas, en effet, en vue de l’homme. C’est l’homme qui est fait pour glorifier Dieu. Cette considération nous aidera à ne pas perdre de vue l’horizon missionaire de notre engagement social. Nous agissons dans la société en raison du Dieu que nous connaissons et que nous aimons et nous voulons faire connaître ce dieu à nos frères et sœurs en humanité que nous aimons aussi et que nous voulons toujours aimer mieux, par ce que nous sommes, ce que nous disons et ce que nous faisons. »