Soutien à l’Ukraine

Qu’est-ce qu’on attend pour Noël ?

Imaginez un tableau de Noël: pas une crèche ni un sapin avec les cadeaux mais imaginez un aéroport et son hall d’arrivée. Imaginez que votre ONG vous a envoyé à l’aéroport chercher quelqu’un que vous ne connaissez pas. Vous êtes habitué, vous avez déjà été chercher M. Martin de Paris, et M. Demesmaeker de Bruxelles, vous ne les connaissiez pas, mais avec une petite affichette et leur nom écrit dessus, vous vous en êtes toujours bien sorti, mais aujourd’hui on vous donné un nom étrange « M. Le Sauveur ».

Vous attendez avec votre petite affiche mais vous ne savez pas du tout à quoi vous attendre. Un sauveur, comment c’est un sauveur ? Ça ressemble à quoi un sauveur ? A un scientifique qui a réponse à tout ? Un politique qui aurait toutes les solutions, un économiste qui répond par des statistiques ? Et puis de quel continent pourrait venir le Sauveur ? Quel âge pourrait-il avoir ? On ne sait pas trop mais il se dit aussi qu’un sauveur quel qu’il soit doit être entouré d’une délégation importante. Vous vous étonnez d’ailleurs que personne d’autre que vous n’attende M. Le Sauveur mais bon, ce n’est pas votre affaire non plus…

L’avion se vide, il n’y a plus personne dans le hall de l’aéroport. Il ne reste plus qu’un couple assez banal avec un bébé d’un mois dans un berceau. Tout le monde commence à s’en aller sauf un vieux monsieur qui vient vers le couple et l’enfant. Il prend le bébé et lui dit :

« Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur s’en aller en paix : tu as tenu ta promesse ; car mes yeux ont vu le Sauveur qui vient de toi, et que tu as suscité en faveur de tous les peuples : il est la lumière pour éclairer les nations, il sera la gloire d’Israël ton peuple. »

Une hôtesse de l’air qui passait par là s’arrête un peu surprise de ce qui se passe. Ce n’est pas tous les jours qu’on entend le cantique de Siméon. Car il s’agit bien des paroles que le vieil homme prononce quand il voit Jésus au temple.

Alors comment a-t-il su notre ami Siméon? Et bien il semble que Siméon ait reçu des informations d’en haut et qu’il soit guidé par un personnage haut placé dans les services secrets, le Saint Esprit. Dans les versets précédents Luc insiste sur le fait que cet homme était rempli de l’Esprit. Luc 2 :27-32 : « Il y avait alors, à Jérusalem, un homme appelé Siméon. C’était un homme droit et pieux ; il vivait dans l’attente du salut d’Israël, et le Saint-Esprit reposait sur lui. L’Esprit Saint lui avait révélé qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Messie, l’Envoyé du Seigneur. Poussé par l’Esprit, il vint à l’aéroport (je veux dire au Temple). »

C’est donc le Saint Esprit qui guide les pas de Siméon vers l’enfant qui n’a pas vraiment l’air d’un sauveur. Comment cela s’est-il passé me demanderez-vous ? Comme c’est souvent le cas, le texte ne le dit pas. Pas de visite particulière, pas d’étoile filante ni de voix off. Peut-être que Siméon ressent comme une conviction intérieure, forte, pressante qu’aujourd’hui il doit aller au temple. Sa femme lui a peut-être dit : « Qu’est-ce que tu vas faire au temple, profite de ta retraite Siméon ! » « Je ne sais pas mais je dois y aller ! » « Ah tu vieillis Siméon, » lui rappelle gentiment sa femme. Et Siméon de répondre, « ça je le savais déjà mais je dois aller au temple ».

Mais là au temple, il sait pourquoi il devait venir, pour voir cet enfant d’à peine 1 mois qui ressemble à tous les autres enfants qui gazouille comme les autres, qui pleure peut-être. Mais Siméon voit plus loin parce qu’il a les yeux de l’Esprit, ou les yeux du cœur ou les yeux de la foi et prononce des paroles qui vont impressionner les parents. Au verset 33 : « Le père et la mère de Jésus étaient émerveillés de ce qu’il disait de lui. »

Pourtant Marie et Joseph en avaient déjà entendus des paroles sur leur enfant, des anges qui font des annonces, les bergers qui chantent des louanges, les mages qui offrent des cadeaux royaux… mais les paroles de Siméon vont au-delà de ce qu’ils ont déjà entendu : « le Sauveur qui vient de toi, lumière pour les nations gloire pour son peuple ». Ce sont des mots qui restent. Et Siméon va rendre l’enfant à ses parents mais il ajoute quelques mots. Des mots qui vont rester aussi :

Au verset 34 : « Siméon les bénit et dit à Marie, sa mère : Sache-le : cet enfant est destiné à être, pour beaucoup en Israël, une occasion de chute ou de relèvement. Il sera un signe qui suscitera la contradiction : ainsi seront dévoilées les pensées cachées de bien des gens. Quant à toi, tu auras le cœur comme transpercé par une épée. » Cet enfant que j’ai dans les bras, il est là (il est établi, placé, destiné) pour la chute et le relèvement de beaucoup ».

Déjà l’ambiance retombe ! Comment cela la chute ? Ce petit bébé qui est pour le salut, la gloire, la lumière, comment pourrait-il être aussi pour la chute de beaucoup ? On est frappé par ce terme tellement négatif.

Soit il vient pour le relèvement (littéralement : la résurrection) de beaucoup et Noël est avant tout une bonne nouvelle, « je vous annonce une bonne nouvelle qui sera pour tous le sujet d’une grande joie » dit l’ange aux bergers. « Paix sur la terre pour les hommes de bonne volonté », chantent les anges. Relèvement de beaucoup mais il faut être de bonne volonté, il faut être dans de bonnes dispositions… sinon ce petit enfant pourrait devenir une occasion de chute.

Tout dépendra de ce qu’on l’on en fera de ce petit enfant, si on le prend dans ses bras et qu’on le reconnaît comme sauveur, son sauveur. Là alors il est un renouvellement, un renouveau. Mais si on le laisse dans sa crèche comme une image pieuse mais inopérante, ou si on passe sans le voir vraiment, si on n’attend rien de la vie et dans la vie, alors il sera comme une occasion de chute, une pierre sur laquelle le pied vient buter.

Jésus le Sauveur est une nouvelle à double effet et Siméon en deux mots nous le rappelle. La question de Jésus peut nous faire trébucher ou peut nous relever. Ce petit bébé dans les bras de ce vieillard va faire du grabuge dans les chaumières.

Durant les fêtes de Noël, on a l’impression de retrouver une certaine unité autour de Noël, chacun à sa manière, va vivre cette fête religieuse, on passe les 10 commandements à la télé ou la grande vadrouille, il y a des crèches un peu partout, les messes de minuit vont faire le plein de fidèles plus ou moins fidèles. On peut avoir même l’impression de retrouver une certaine ferveur autour de la personne de Jésus.

Mais j’ai bien l’impression que cette unité n’est qu’une impression et qu’elle est légèrement fabriquée et cela de manière très artificielle. La seule unité qui se fait est celle autour du grand sapin du centre-ville… unité devant le dieu de la consommation mais certainement pas autour de Jésus.

En fait ce bébé Jésus va séparer l’humanité, comme un landau peut fendre la foule dans la rue d’Antibes un samedi après-midi. En général on s’écarte pour laisser passer un landau. Il y a ceux qui vont se placer à gauche, ceux qui se placeront à droite mais ce landau littéralement va fendre la foule. C’est, il me semble, ce que dit Jésus quand il dit qu’il « n’est venu apporter la paix mais l’épée » (Matthieu 10 :34). L’idée derrière n’est pas celle de la violence mais de la séparation, sa personnalité sépare, la personne de Jésus sépare jusqu’au sein même d’une famille. Cela peut paraître douloureux mais personne ne pourra rester au milieu. La question de Jésus ne permet pas de position médiane.

Je cite Christophe Paya dans le PLV au sujet de ce verset : « La violence de Jésus est celle du choix : un choix douloureux, tranchant, parce que l’attachement à Jésus ne vient pas simplement s’ajouter à tous nos autres attachements. Au contraire tous nos autres attachements doivent être redéfinis par rapport à notre attachement à Jésus. »

Devant cette prophétie de Siméon, on pourrait se demander si Noël 2019 n’était pas l’occasion de redéfinir nos attachements par rapport à Jésus, l’occasion de nous positionner tout à nouveau par rapport à Jésus. L’occasion de quitter un instant l’atmosphère de Noël et de me poser la question de Siméon. Chute ou relèvement, pierre qui me fait trébucher ou rocher sur lequel je peux m’appuyer ?

Qui dites-vous que je suis ? demande Jésus à ces disciples à un moment clef de son ministère. Une image, une fête, un bon moment, une décoration de Noël, une figurine au milieu des Santons… ou le fils du Dieu vivant, qui me donne la vie la vraie qui est un fondement sur lequel je peux bâtir une vie qui compte jusque dans l’éternité.

Et puis vient cette expression qui intrigue : « Il sera un signe qui suscitera la contradiction. » Définition du mot signe dans le Nouveau Testament : phénomène frappant indiquant l’action de Dieu que nul ne peut ignorer.

Jésus est manifestement le signe de l’action de Dieu dans le monde, le signe évident que Dieu s’intéresse à l’histoire de ce monde et qu’il intervient, un signe que nul ne peut ignorer, mais on peut le contredire, on peut le contester. Et à l’époque de Jésus on ne s’en privera pas, les Pharisiens, les Saducéens, les Romains et puis des gens sans dénomination fixe… Jésus ne comptait pas que des amis.

Et on peut se demander pourquoi Jésus a suscité autant de contradiction, d’opposition alors qu’il était un signe évident de l’amour de Dieu pour son peuple ? Alors qu’il était porteur d’une bonne nouvelle, ou plutôt qu’il était lui-même La bonne nouvelle.

Il me semble qu’une partie de la réponse à cette question se trouve dans le fait qu’il n’était pas vraiment attendu comme le type de l’aéroport. On ne l’attendait pas comme il s’est présenté… Il y a eu comme une surprise ou une déception qui provoque la contradiction, la contestation, le conflit et finalement le rejet.

On attendait :

  • Un Roi ou un leader, c’est un serviteur qui vient
  • Quelqu’un de puissant, c’est quelqu’un d’humble qui vient.
  • Un politicien, c’est un religieux
  • Un patriote énergique, c’est un non-violent
  • Un homme d’envergure, c’est un meneur d’une bande de Galiléens sans éducation.

Cela fait beaucoup de déceptions. Jésus n’est pas celui qui était prévu et les Pharisiens pour ne citer qu’eux, sont vraiment perturbés. Ils ne savent plus trop où ils habitent. Ce Jésus est déstabilisant, déroutant… Et quand on est surpris, il y a deux possibilités. Soit on accepte la surprise et on rit de soi comme dans les émissions de caméra cachée ou surprise sur-prise et on fonce dans la nouvelle aventure au galop. Soit on se cabre « Oh, oh que se passe-t-il ici? Quel est de désordre ?» On refuse la surprise et on reste fixé sur son petit plan initial où l’on se sent en sécurité. Et on affiche sur la porte de sa vie comme sur une chambre d’hôtel « ne pas déranger ».

Aujourd’hui encore Jésus dérange parce qu’il n’est pas vraiment attendu.

Cependant les attentes sont nombreuses, les espoirs également d’une vie meilleure, d’un monde meilleur, d’un avenir meilleur. Il y a toujours dans notre monde et dans les vies un vide en forme de Dieu, il est évident. On est en manque ! Mais bizarrement, Jésus ne fait pas partie de la solution. La solution se trouve évidemment dans la politique, dans l’économique, l’humanitaire, l’écologique, technologique ou le spirituel à bon marché.

Et quelque part l’homme d’aujourd’hui dit comme le Pharisien de l’époque : « La solution je m’en charge. » « Mais toi Jésus, ajoute l’homme, reste dans ta crèche, dans le folklore, ne vient pas bousculer les plans de ce monde qui marche très bien (enfin presque) sans toi. Tu n’es pas attendu, tu n’es pas le bienvenu ! » L’histoire de l’auberge où il n’y a pas de place se répète à l’infini de notre monde fini. Jean l’a bien dit : « La lumière brille dans les ténèbres mais les ténèbres ne l’ont pas accueilli » Il y a un problème d’hospitalité dans ce monde !

Alors on pourrait sombrer dans le défaitisme ou le repli identitaire du petit groupe de ceux qui l’ont accueilli et qui en sont fiers, mais quand on regarde à Jésus on s’aperçoit qu’il n’est jamais tombé dans ces mécanismes de défense et de repli. Il a pu dire des choses extraordinairement dures envers ce monde, mais il s’est engagé en même temps avec tout son amour, toute sa personne dans ce monde ténébreux… jusqu’à aller sur la croix, manifestation ultime de son amour. Un événement que Siméon entrevoit déjà alors qu’il tient le bébé dans ses bras lorsqu’il dit à Marie : « Quant à toi, tu auras le cœur comme transpercé par une épée. » L’engagement de son fils va transpercer son cœur de mère parce qu’il s’agit d’un engagement total. Parce que ce bébé porteur d’espoir, bébé glorieux est destiné à payer le prix fort pour le saut des hommes. Jésus, la lumière, s’engage dans ce monde de ténèbres.

Et on peut penser que par cet engagement de Dieu dans le monde certains vont se laisser surprendre. Qu’ils vont laisser tomber leur plan initial bricolé au fur et à mesure et se laisser renouveler par Jésus. Y’ a de l’espoir, c’est Noël !

J’en veux pour preuve le témoignage Khalida (paru dans Croire et Servir, déc. 2009) qui portait le titre « Saisie par la vie de Jésus ». Khalida est marocaine, ses parents sont arrivés en France en 1963. Ils ont été parqués à Aulnay-sous-Bois, avec huit enfants. Son père déraciné devient plus religieux et dur, violent. Son grand frère se tourne vers la drogue et en meurt, mais Khalida cherche Dieu. Elle lui écrit des poèmes mais ne parvient plus à prier, attend quelque chose mais ne sait pas quoi… (Elle est allée voir les Témoins de Jehova, les guérisseurs aussi, sans résultats sinon le désespoir) et un jour après avoir appelé Dieu, elle a rencontré un couple chrétien et a été interpellée par leur témoignage, surtout celui du mari, marocain qui avait touché à la drogue. Quelques temps après elle se dit : « Moi aussi je veux connaitre ce Jésus qui donne la paix. » Elle se met à lire les évangiles et écrit avoir été « saisie par la vie de Jésus ». Elle se donne à lui. Elle ne le dit pas à son père pendant 5 ans et quand enfin elle lui dit : il s’énerve contre elle et lui dit qu’elle ira en enfer si elle suit le chemin de ses mécréants… Il y a de la contradiction, mais Khalida tient bon. Pour elle il n’y a qu’une vérité, celle de Jésus, elle termine son témoignage en citant cette parole de Jésus dans l’évangile de Jean : « Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne vient au père que par moi. »

En lisant ce témoignage on se dit que tous les espoirs sont permis. Parce que s’il y a un temps pour la contestation, pour l’opposition, pour la contradiction, il y a aussi un temps pour la conversion, pour l’ouverture à Dieu, pour l’accueil de la lumière. Il y a un temps pour se donner à Jésus, pour se repositionner par rapport à lui; il y a temps pour le prendre sans ses bras comme Siméon et dire : « Mes yeux ont vu mon Sauveur… »

Oui chers amis, Il y a un temps pour Noël.