Soutien à l’Ukraine

Tensions familiales autour d’une tunique – Genèse 37

Nous continuons notre série sur la Genèse. Il est évident que nous ne cherchons pas à rivaliser pas avec des séries proposées par Netflix ou autre mais il faut quand même dire que cette série est passionnante ! La trame est absolument magnifique : le scénario est constitué de tous efforts répétés du personnage principal, qui s’appelle Dieu Yahwé, Élohim, pour faire alliance avec les hommes et les femmes de toutes les générations et cela malgré la mauvaise volonté évidente de ces gens !

Dans son amour et sa fidélité, Dieu fait alliance avec Adam et Ève, avec Noé, avec Abraham à qui il fait une promesse de bénédiction incroyable. Une bénédiction des nations qui semble aller au-delà de la petite personne d’Abraham. Il faut aussi l’avouer il y a dans cette série comme des erreurs de casting. Jacob par exemple. Avec ce trompeur manipulateur, on a vraiment l’impression qu’il n’a rien à faire là-dedans ! On se demande bien comment la promesse de Dieu va pouvoir se réaliser à travers lui… Mais Dieu vient à sa rencontre, se révèle à lui, lutte avec lui (dans les derniers épisodes). Dieu parvient à en faire une personne tout à fait crédible, un acteur qui porte le projet de l’histoire du salut. C’est assez incroyable ! Nous retrouvons aujourd’hui ce Jacob/Israël installé au pays, il a enfin a cessé de fuir et il va faire une chose assez intéressante, on n’en a pas parlé, mais c’est aussi important, il va faire des enfants ! 12 garçons. Avec 2 femmes (Léa et Rachel) et 2 servantes de ses femmes. Ce n’est pas une famille recomposée mais une famille surcomposée, une famille hyper-composée.

Il faut savoir que ces 12 garçons vont faire les fameuses douze tribus d’Israël mais nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant on est en Canaan en famille nombreuse et tout se passe extrêmement bien. L’ambiance est excellente, très familiale. Tout le monde s’aime et se rend des petits services ! Le chapitre 37 de la Genèse nous parle de la famille idéale ! Non ! Ce qui frappe c’est la tension, une tension à couper au couteau entre les fils de Jacob. Une tension autour d’une tunique qui est un peu le fil rouge de l’histoire puisqu’elle vient au début puis revient à la fin du premier épisode lorsque les frères de Joseph ramènent la tunique tachée de sang à leur père pour dire que Joseph est mort dans la nature. Tensions familiales autour d’une tunique. Ce qui frappe aussi dans ce texte c’est de voir que tout est fait pour alimenter la tension. On ne sait pas si c’est de la maladresse ou de la naïveté mais il semble que les protagonistes font tout ce qu’ils peuvent pour créer de la tension ! Au niveau des comportements on est un peu dans du grand n’importe quoi, un peu comme dans nos familles du reste… quand les émotions prennent le pas, à la fois sur la raison et l’amour.

Pour cette première partie on pourrait donner ce titre :

Comment créer et alimenter les tensions dans une famille en quatre leçons

Leçon 1 :

Savoir faire preuve de favoritisme (verset 3)

« Israël aimait Joseph beaucoup plus que les autres. » Une préférence marquée. Pas un peu plus que les autres, mais beaucoup plus. Marquée par la tunique qu’il donne à Joseph. On a beaucoup a parlé de cette tunique et on lui a donné beaucoup de noms (bigarrée, multicolore, etc.) mais c’était surtout une tunique à longue manches qui dispensait celui qui la portait des menues tâches quotidiennes dans le campement. Quand tu portais ce vêtement cela signifiait que tu n’avais pas besoin de travailler. Les bédouins disent que dans toute tribu seules 2 personnes peuvent porter des tuniques à longues manches : le cheikh de la tribu et l’homme qu’il a choisi comme héritier. Ce n’était donc pas un accès de jalousie puérile qui animait les frères de Joseph ; c’était une colère compréhensible parce qu’ils avaient été mis de côté dans leur droit d’ainesse et de successeurs au profit d’un plus jeune.

Si on se met du côté de Jacob, nous pouvons comprendre sa préférence. Il a travaillé 7 ans pour avoir Rachel et il a eu Léa qu’il n’aimait pas et encore 7 ans pour avoir Rachel qu’il a aimée. Joseph est le fils ainé de la femme qu’il a choisi, l’avant dernier de toute la fratrie car il y aura encore Benjamin après lui. Normal qu’il ait sa préférence et puis s’il avait épousé tout de suite Rachel c’est son fils à elle qui aurait été l’ainé et donc l’héritier. En donnant la tunique à Joseph, Jacob montre qu’il le veut comme héritier non seulement de ses biens mais de la promesse faite à Abraham.

Oui, on peut peut-être comprendre sa préférence mais la marquer comme cela par cette tunique n’était peut-être pas utile. Le résultat en tous cas est désastreux. Le père ne doit pas faire de favoritisme, la mère non plus d’ailleurs. Les parents ne font pas de favoritisme et cela quel que soit les circonstances de la naissance ou le retour sur investissement ou pour les parents chrétiens quel que soit la foi de leurs enfants. Pas de favoritisme parce que Dieu, notre père ne fait pas de favoritisme… Il y a une égalité de fait devant Dieu… Nous sommes tous aimés de la même manière ! Et appelé à aimer sans faire de favoritisme. En tous cas à essayer de le faire.

Leçon 2 : 

Ne pas hésiter à montrer de l’arrogance (versets 2 à 9)

Et là on est sidéré de l’attitude de Joseph. Non seulement il rapporte les propos de ses frères à son père, surtout les mauvais, mais en plus il va leur raconter ses rêves qui sont tous en sa faveur et en leur défaveur. Des rêves où ils se prosternent tous devant lui. Joseph était-il un grand naïf ? Est-ce qu’il ne se rendait pas compte de l’effet dévastateur de la narration de ses rêves auprès de ses frères ainés ? Il a effectivement rêvé de cela et ces rêves vont devenir réalité pour le bien de tous y compris des frères, l’histoire nous le dira mais quelle idée de le leur raconter ! Quel manque de sensibilité, d’humilité… Et même si Joseph est encore jeune on ne peut pas penser qu’il était simplement naïf. Il y a de l’arrogance dans ce qu’il fait et dans ce qu’il dit. Et l’arrogance, quels que soient les dons que l’on ait reçus, quelle que soit la place que l’on occupe dans la société ne fait qu’alimenter les tensions. Jésus lui nous appelle à l’humilité. A regarder les autres comme supérieurs à nous-mêmes, à rechercher les intérêts des autres plutôt que les siens. Joseph a fait preuve d’arrogance et couplée au favoritisme de son père, elle va créer, et c’est la leçon 3, de la jalousie.

Leçon 3 :

Tout faire pour susciter la jalousie (versets 4 et 11)

Évidemment qu’ils sont jaloux ! Comment ne pas l’être quand le père a marqué sa préférence d’une manière aussi nette quand leur frère cadet leur raconte des rêves où ils sont dans une position inférieure ! Il y a de quoi être jaloux ! J’ai lu un article dans Réforme qui parle de la jalousie et dit : « La jalousie est un ressenti parfaitement normal qui se forge dans la fratrie. » Le sentiment apparait quand un frère ou une sœur arrive… et il y a de quoi ne pas être ravi d’avoir un concurrent ! L’ainé aimerait rester seul pour ne pas avoir à partager l’amour de ses parents… Une petite fille de 8 ans troisième d’une famille de cinq enfants a dit lors d’un repas chez un couple d’amis de ses parents : « Elle a de la chance votre fille elle est toute seule ! » Cri du cœur. Mais il paraît aussi que l’enfant seul peut être jaloux de l’intérêt que le papa porte à sa maman ou vice versa. Bref seul ou en tribu on n’échappe pas à ce sentiment qui n’est pas que mauvais. La jalousie est paraît-il une marque de l’intérêt que l’on porte à l’autre, un signe de l’amour. Sans un peu de jalousie dans le couple on se demande si l’amour existe encore. Mais au-delà de cela la jalousie est un moteur de créativité. On cherche à en faire plus, à se surpasser, en prenant exemple sur celui dont on est jaloux. Il y a de bons côtés à la jalousie, c’est sûr, mais l’article le dit bien cette jalousie doit être reconnue, exprimée, discutée… distanciée. Sinon la jalousie ronge l’intérieur et pousse à des comportements extrêmes. Comme dans le récit qui nous parle de cette violence destructrice dans le cas des frères de Joseph. Des frères qui finissent par tomber dans une parfaite haine. C’est la quatrième leçon pour alimenter les tensions dans une famille.

Leçon 4 :

Laisser libre cours à la haine (versets 4, 5, 8)

On voit dans le récit combien les frères s’enferment dans la haine. « Alors ils le prirent en haine. Ils ne pouvaient plus lui parler aimablement » Ils ne pouvaient plus, complètement enfermés ! Et en plus loin, ils le détestèrent encore davantage » La haine progresse, chaque jour ils ajoutent au dossier Joseph une bonne raison de le haïr. Et vous savez comme moi que lorsqu’on ouvre comme cela un dossier de haine et de rancœur sur quelqu’un et en particulier sur quelqu’un de proche et bien il est très difficile de le fermer, très facile de l’alimenter chaque jour encore plus pour se faire enferme dans une haine féroce, tenace qui mène à la violence. On va s’en débarrasser ! Le mettre dans une citerne et puis le vendre à des caravaniers et le faire passer pour mort à leur père. La haine qui mène à la violence extrême. On remarque quand même qu’un des frères, le frère ainé, le premier fils de Léa, le plus ancien veut sauver Joseph. Il ne se laisse pas enfermer par sa haine, même si dans l’histoire il est le premier lésé… Mais il résiste à l’envahissement de la rancœur (v.21). Comme quoi, on n’est pas obligé de suivre le groupe dans la haine. On peut résister malgré l’influence indéniable du groupe sur les comportements. On remarque que sa résistance est clandestine et on pourrait la juger un peu faible.

Voilà comment créer des tensions dans une famille en 4 leçons ! Force est de constater que le tableau n’est pas brillant du tout. Mais une question se pose :

Où est Dieu dans cette histoire ?

En lisant le texte on a deux impressions : la première c’est une impression d’une grande pagaille émotionnelle et relationnelle, du grand n’importe quoi : la préférence de Jacob, Joseph le rapporteur, les frères jaloux, haineux, tueurs.

L’autre impression qui se dégage est que toutes ces émotions et réactions négatives semblent faire partie d’une autre histoire, d’une grande histoire qui viendrait d’en haut, qui viendrait de Dieu. On a l’impression que Dieu parvient à utiliser toutes ces circonstances pour réaliser son projet. Il parvient à intégrer toutes ces faiblesses humaines mais sans les justifier pour autant. La haine, la jalousie, les traitements de faveurs sont négatifs, mais Dieu les englobe ou encore les transcende pour que son projet bienveillant se réalise (son projet d’alliance, projet de bénédiction). On voit que Jacob le perçoit à un moment : il fait le reproche à Joseph de raconter ses rêves de domination mais en même temps, il nous est dit qu’il « retient ces choses dans son cœur ». C’est comme s’il percevait qu’au-delà de cette maladresse de gamin mal éduqué, il y a l’histoire de la bénédiction de Dieu qui se déploie. C’est encore une fois l’œuvre de Dieu dans tout son mystère, le mystère de sa grâce et de son amour et de sa souveraineté aussi, lui qui fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment même imparfaitement, pour citer Romains 8. Lui aussi qui trouve dans les cœurs parfois tortueux des chemins tout tracés, pour citer le Psaume 84 :6. Il y a un proverbe portugais repris par Paul Claudel qui dit que « Dieu écrit droit avec des lignes courbes », des lignes de vie un peu courbes, courbées ou peut-être même sinusoïdales. Il écrit droit notre histoire et celle du monde. Il sait utiliser toutes les fausses notes de notre vie pour en faire finalement quelque chose d’harmonieux.

Et la suite de la saga va nous le montrer de manière éclatante, mais nous n’allons pas en parler maintenant, nous allons simplement tirer quelques applications directes pour nos tensions à nous, dans nos familles, le couple, équipe de travail, l’Église…

Quelles solutions pour les tensions familiales et autres ?

Faire attention à ce que l’on dit !

Et là on pense à Joseph, le rapporteur à la fois de mauvais propos de ses frères et de rêves humiliant pour les autres. Il aurait mieux valu qu’il se taise… Et la Parole de Dieu nous parle abondamment de la nécessité de maitriser notre langue. Jacques la compare à un allume feu qui peut mettre le feu aux poudres, le feu à la maison, le feu dans les relations. Ce qui est intéressant avec Joseph c’est qu’il a effectivement eu ses rêves. Il pourrait dire qu’il ne dit que la vérité et que toute vérité est bonne à entendre surtout ma vérité sur les autres et surtout quand elle est en ma faveur ! Joseph nous pose ainsi la question très actuelle de la franchise, de la transparence ou encore de l’authenticité. Ce sont des valeurs très prisées aujourd’hui mais qui sont parfois tellement idolâtrées, qu’au nom de l’authenticité on en devient méchant, égocentrique et insensible. On entend parfois ce genre de phrase : « Je dis ce que je pense et si ça ne te plait pas c’est le même prix » et en général l’autre prend cher, très cher. La Bible parle de maîtrise de la parole, que ce soit les mots qui sortent de la bouche ou dans les mots qui sortent du clavier. C’est toute notre communication qui doit être placé sous l’obéissance de l’Esprit dont le fruit comprend la maitrise de soi (Galates 5:22).

Gérer immédiatement les « petites » offenses

Les gérer avant que cela ne dégénère. On le voit aussi dans cette histoire que tout commence par un tout petit rien, une tunique, des rêves et puis ça dégénère et se transforme en fiasco relationnel total. On aurait pu, Jacob aurait pu, Joseph aurait pu, les frères auraient pu et certainement dû gérer le problème dès le départ quand il était encore « gérable », avant de s’enfermer dans la haine. Il ne faut pas laisser les petites souris devenir des éléphants alors que la tempête est encore dans le verre d’eau. Il me semble que Jésus nous dit cela quand il nous dit dans Matthieu 5 : « Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis, viens présenter ton offrande. Accorde-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu’il ne te livre au juge… à la police… à la prison. »

C’est l’idée d’urgence et de rapidité qui ressort de cet appel à la réconciliation. Réagis avant qu’il ne soit trop tard et que tu ne sois complètement enfermé dans la prison de la haine. Va et arrange-toi avec ton frère, ta sœur, avant que la situation ne soit trop fermée. Ne laisse pas la haine, ou la colère ou encore l’amertume t’enfermer dans n’importe quelle prison intérieure !

Mettre un terme rapidement à la colère et à l’amertume

On retrouve la même idée de rapidité dans cette piste de traitement des tensions relationnelles, mais avec une autre donné, la sortie de crise, le terme, la fin… Comme base, nous avons ce verset du NT des épitres de Paul, le verset préféré de tous les colériques (Éphésiens 4 :26) : « Mets-toi en colère. » Parce que parfois la colère est juste, comme la jalousie des frères de Joseph étaient justifiée et dans l’article de Reforme précédemment cité, on note que la jalousie est une réaction saine par rapport à une injustice, à une inégalité, à une préférence injuste, de même la colère peut être une réaction parfois justifiée. Cependant l’apôtre Paul ajoute tout de suite « mais que le soleil ne se couche pas sur votre colère. » Autrement dit, mets un terme à ta colère, ne la laisse pas dégénérer en mauvaise colère ou en violence verbale ou physique. Ne te laisse pas enfermer dans ta colère mais trouve une issue, une voie de sortie de crise. Et la meilleure issue à une colère et on n’a pas trouvé mieux serait la grâce, le pardon… Dans les tensions familiales ou autres rien de tel que la grâce. Mais la grâce n’est pas la première chose qui nous vient à l’esprit quand on vit des tensions n’est-ce-pas ? D’ailleurs dans le récit de Joseph et de ses frères, il n’y en a pas beaucoup… c’est dire qu’il nous faut un miracle ou un renversement complet pour que la grâce, c’est-à-dire un beau mélange d’amour et de pardon, puisse apparaitre dans une zone de tensions comme celle-là. Et c’est pourtant ce qu’on est appelé à faire :

Renverser la tendance

On l’a vu, la tendance est à la haine à la jalousie, à la violence, aux réactions extrêmes et il ne faut rien faire pour alimenter cette tendance, elle s’auto alimente. Par contre pour y mettre un terme, Jésus lui-même nous demander d’inverser la tendance, d’inverser la vapeur. Et il va le dire dans son sermon sur la montagne, la perle de son enseignement. Matthieu 5 : 43-48 : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. » Haïr son ennemi, ça c’est la tendance naturelle. « Et bien, moi je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » Il dit autre part : « Bénissez ceux qui vous maudissent. » Dites du bien de lui, priez pour celui qui vous veut du mal… Cela semble tout à fait hors de notre portée et ça l’est ! Mais on a parfois tendance à mettre cela sur le compte de l’idéalisme de Jésus, à ranger parmi les trucs un peu trop radicaux de Jésus… C’est radical, mais c’est Jésus qui nous en parle. Lui qui montre l’exemple par sa vie d’homme pleinement homme qui bénissait ceux qui lui faisaient du mal, insulté ne répondait pas à l’insulte et qui par sa mort à réconcilié le monde avec Dieu et réconcilié les hommes entre eux, et avec eux-mêmes. Jésus qui renverse la tendance et qui nous appelle à le faire à sa suite. C’est tout l’Évangile ! Pas si simple mais tellement fort, c’est l’Évangile de la grâce.

Je vous invite à chanter le chant qui s’intitule « Pardon » qui est un appel au pardon de Dieu c’est à dire à sa grâce. Cette grâce qui nous permet de faire grâce ou de pardonner à notre tour.

Je vous invite aussi pendant quelques secondes à réfléchir aux zones de tension dans votre vie, à la maison, au travail, au sein de la famille proche ou éloignée…

Je vous propose de les présenter à Dieu dans la prière mais aussi de s’engager à se mettre en marche pour être dans ces zones de tension, des artisans de paix.

Chant : Pardon JEM 641