Soutien à l’Ukraine

Vivre dans un monde brisé…

Bonjour à tous. Y a des semaines où c’est plus facile que d’autres d’écrire une prédication. Malheureusement vous vous en doutez cette semaine fait partie de celles où c’est le plus dur.

Alors j’ai été inspiré par un texte qui peut sembler également très dur à entendre. Un texte qui nous parle de souffrance, qui nous parle de larmes, qui nous parle de douleur, et pourtant un texte qui au milieu de cette souffrance nous fait une promesse assez incompréhensible : « heureux serez-vous ».

Et ce texte, très connu d’ailleurs et pourtant je pense très mal compris, c’est ce passage de Matthieu 5, les versets 1 à 12, qu’on appelle plus souvent les béatitudes. Et on va commencer par le lire.

Lecture Matthieu 5.1-12.

  • A qui s’adresse ce texte ?

Comme je le disais un texte assez étrange, et très dur à entendre. Enfin, il semble dur à nos oreilles, et pourtant je le pense plein de vérité et d’espérance. Et pour bien le comprendre il faut avant tout savoir à qui Jésus est en train de s’adresser.

En effet ce texte fait partie de ce qu’on appelle « le sermon sur la montagne », qui va de Matthieu 5 à Matthieu 7. C’est un très long discours du Christ qui est en train d’enseigner. Mais qui est-il en train d’enseigner ? Et je vous relis les versets 1 et 2.

Lecture versets 1 et 2.

On comprend souvent ce texte comme un enseignement de Jésus à la foule. Jésus regarde la foule, il s’assied, ses disciples se rapprochent, et Jésus se mettrait alors à enseigner la foule ET ses disciples réunis. Mais ce n’est pas ce que dit ce texte. Il nous dit que Jésus voit la foule, il monte sur une colline, il s’assied, ses disciples se rassemblent près de lui, et il les enseigne. Il enseigne ses disciples. On ne parle jamais de la foule dans ce texte. On ne nous dit pas que la foule suit Jésus sur la colline. On ne nous dit pas que la foule se rassemble autour de lui. On ne nous dit pas que Jésus enseigne la foule.

Mais ceux sont les disciples du Christ qui se rassemblent autour de lui, dans ce lieu isolé, le sommet d’une colline, pour recevoir un enseignement de la part de leur maître. Jésus n’enseigne pas tous les hommes dans ce texte, il ne parle pas à tout le monde, il parle uniquement à ceux qui croient en lui, ceux qui le suivent, ses disciples.

Et avant de voir ensemble ce que dit ce texte, j’aimerais que voyions ce qu’il ne dit pas.

J’ai souvent entendu ce texte utilisé pour promettre la consolation à ceux qui souffrent, pour promettre le bonheur à ceux qui pleurent, pour promettre la justice à ceux qui ont subi un évènement monstrueux. Parce que c’est ce que promet ce texte, la consolation de Dieu pour ceux qui pleurent, le bonheur dans la souffrance, la justice pour ceux qui la recherchent.

Mais ce texte ne promet pas ces choses à tous les humains. Et il ne le promet pas non plus dans tous les aspects de notre vie. Il s’adresse à un auditoire particulier, ceux qui sont disciples du Christ. Et il parle d’un sujet bien précis, l’espérance dans le Royaume des Cieux.

Lorsqu’une personne souffre, on a parfois tendance à lui dire un peu à la légère que si elle se tourne vers Dieu, elle recevra sa consolation, sa paix et sa joie. Et bien ce n’est absolument pas ce dont parle ce texte.

Bien sûr, nous avons foi dans ce que Dieu peut consoler celui qui souffre, qu’il peut apporter sa paix et sa joie même dans le malheur. Mais nous savons également que ce n’est pas systématique. La relation à Dieu n’est pas un remède miracle à la souffrance. Ca ne délivre pas de la douleur, ça ne résout pas les problèmes, ça ne guérit pas de manière systématique. Dieu peut le faire, dans le mystère de sa volonté. Mais ce n’est absolument pas une promesse que nous ferait ce texte.

Je comprends que la souffrance parfois extrême de notre prochain nous plonge dans la gêne. Dans l’inconfort. Dans l’incompréhension même, parce qu’on en vient finalement à souffrir avec eux alors que rien ne nous est personnellement arrivé. Mais il ne faut pas balayer ce sentiment de gêne par des promesses toutes faites de bonheur et de paix. Il ne faut pas non plus se dédouaner de notre devoir de compassion en disant aux gens que nous on y peut rien et qu’il vaut mieux qu’ils se tournent vers Dieu.

Mais le Seigneur nous l’assure, c’est à travers notre faiblesse et notre impuissance qu’il révèle sa force. Et c’est par nos actes mêmes maladroits de compassion, d’amour et de consolation que le Seigneur touche les gens d’une manière que nous n’aurions jamais pu imaginer.

  • Le sens des « béatitudes ».

Mais alors si ce texte ne s’adresse qu’aux disciples du Christ, qu’est-ce qu’il veut nous enseigner de tellement spécifique, au point que ça ne concerne pas tous les humains ?

Et bien ce passage décrit en fait tout simplement l’espérance de notre foi en Christ. C’est ce que nous allons regarder ensemble en se penchant plus précisément sur ces fameuses béatitudes : « heureux ceux ».

Il y a dans ce texte 8 béatitudes, 8 petites phrases qui commencent par « heureux ceux ». Ceux sont les versets 3 à 10. Les versets 1 et 2 ne sont qu’une introduction qui plante le décor et nous parle de l’auditoire. Les versets 11 et 12 ne sont eux qu’une sorte d’explication supplémentaire qui viendrait après les béatitudes.

Nous allons donc regarder ensemble plus précisément ces 8 béatitudes, les versets 3 à 10. Et heureusement pour nous, l’auteur nous a laissé un moyen très clair de comprendre ces phrases qui semblent si étranges. Parce qu’il commence au verset 3 et il termine au verset 10 par ce qui est le thème central de ce passage : « ceux à qui appartiennent le Royaume des Cieux ». Et voici ce qu’il nous dit de ces gens là, ils « se reconnaissent spirituellement pauvres », et ils sont « opprimés pour la justice ».

Avoir part au Royaume des cieux, c’est une manière de parler du salut que nous avons par la foi en Jésus-Christ. Parler de ceux qui ont accès au Royaume des Cieux, c’est parler en fait de ceux à qui s’adresse le Christ dans ce texte, c’est-à-dire ses disciples. Et une des choses qui caractérise les disciples du Christ, c’est qu’à un moment donné de leur vie, ils ont pris conscience de tout le mal qu’ils ont pu faire. Ils ont pris conscience qu’ils ne peuvent pas se laver eux-mêmes de toutes ces choses. Ils ont pris conscience que spirituellement, ils sont pauvres.

Les disciples du Christ, ceux ne sont pas des personnes qui se basent sur leurs forces, qui mettent leur confiance dans leurs qualités, qui se fient à eux-mêmes. Mais ceux sont des personnes qui ont eu l’humilité et l’honnêteté de se reconnaître coupables devant un Dieu si parfait. Et ces personnes ont alors accepté tout simplement le cadeau gratuit que Dieu fait à tous ceux qui ont cette humilité, cette repentance, c’est son pardon, son salut, et la promesse d’une vie éternelle à ses côtés.

Ceux qui auront accès au Royaume des Cieux, au salut en Jésus-Christ, c’est ceux qui se sont reconnus comme spirituellement pauvre, et donc dépendants de Dieu pour être sauvés, pour être justifiés. C’est ce que nous dit le verset 3.

Mais ça, c’est une espérance merveilleuse qui va au-delà de notre vie présente. Pourtant c’est pas si merveilleux à vivre au jour le jour. Parce que certaines personnes ont de la haine envers les disciples du Christ. Ils en viennent à faire du mal à ceux qui recherchent cette justice pour eux-mêmes dans le Seigneur. Et donc notre texte nous l’affirme, ceux qui ont accès au Royaume des Cieux, ceux qui sont sauvés en Jésus-Christ, ces personnes peuvent en venir à souffrir, à être opprimés, dans leur recherche de la justice de Dieu. C’est ce que nous dit le verset 10.

Etre disciple du Christ, c’est rechercher ce salut jusque dans l’éternité. C’est reconnaitre que seul Dieu peut nous donner le pardon, le salut, la justification nécessaire pour vivre à ses côtés pour toujours. Mais c’est également dans le présent parfois souffrir à cause de notre foi. Voila ce que Jésus nous enseigne dans ces versets 3 et 10, qui résument en fait le reste des béatitudes. Parce que dans ce texte Jésus nous parle de notre espérance après cette vie au verset 3, et comment ça se concrétise dans notre vie présente au verset 10. Et toutes les autres béatitudes ont à la fois un sens pour notre vie présente, et jusque dans l’éternité.

Heureux ceux qui pleurent, car Dieu les consolera. Et en effet le chemin d’humilité qui amène à reconnaître nos fautes, c’est pas un chemin facile. Ca fait mal de se voir tels que nous sommes. Ca fait mal de reconnaitre notre impuissance. Ca fait mal de renoncer à notre orgueil. Et j’ai entendu énormément de témoignages de personnes qui ont fondu en larme le jour de leur conversion. Je parle pas de larmes de joie, mais de larmes de souffrances, de remord, de regret.

Mais cette souffrance est bonne, parce qu’elle nous amène à nous tourner vers Dieu, à recevoir son pardon et son salut. C’est déjà une consolation formidable dans notre vie présente, qui apaise cette douleur et la transforme en joie. Mais c’est aussi l’espérance de vivre cette joie et cette consolation jusque dans l’éternité.

Heureux ceux qui sont humbles, car Dieu leur donnera la terre en héritage. On en a déjà largement parlé, c’est l’humilité qui nous amène à la repentance devant Dieu, et donc qui nous amène au salut jusque dans l’éternité. Mais cette éternité, on ne la passera pas à vivre dans les nuages comme des angelots tous nus. Au contraire, la Bible nous promet que Dieu viendra recréer toutes choses de manière parfaite. De nouveaux cieux et une nouvelle terre, sans le mal, sans la souffrance, sans la maladie, où nous pourrons vivre pleinement et sans fin dans la présence directe de Dieu. C’est ça la terre dont hériteront les disciples du Christ. C’est ça que sera réellement ce fameux Royaume des cieux.

Mais au-delà de cette terre à venir, nous vivons déjà ce salut sur cette terre présente, il ne faut donc pas faire qu’attendre cette nouvelle terre future, et c’est dans nos vies que nous devons agir et vivre en tant que disciples du Christ en reflétant son amour et sa justice.

Justement, en parlant de justice, heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés. Et nous l’avons dit également mais la repentance, c’est se reconnaître coupable devant Dieu. C’est reconnaître qu’on ne peut rien faire pour changer cette culpabilité. Mais c’est aussi désirer de tout son cœur ne plus être coupable. C’est désirer devenir juste devant Dieu pour pouvoir vivre dans sa présence.

Ceux qui désirent cette justice pour eux-mêmes se repentent alors devant Dieu et acceptent le cadeau que Dieu leur fait en Jésus-Christ, le pardon gratuit, le salut, la justice pour eux-mêmes, sur la simple base de leur foi. Dieu rassasie de justice ceux qui la recherchent auprès de lui. Mais rappelez-vous du verset 10, cette justice pour nous-mêmes peut nous attirer la méchanceté de ceux qui haïssent le Christ, et donc qui haïssent aussi ceux qui suivent le Christ. Cette justice nous ouvre les portes du Royaume des Cieux, de cette nouvelle terre à venir, mais dans notre vie présente, elle peut nous amener à souffrir également de la méchanceté des hommes.

Heureux ceux qui témoignent de la bonté, car Dieu sera bon pour eux. Et en effet la bonté que Dieu nous a manifesté le premier en vue de ce monde à venir, il nous demande ensuite de la refléter dans notre vie présente. Refléter sa bonté malgré la méchanceté, malgré les injustices, malgré la souffrance. Et d’ailleurs un peu plus loin dans ce « sermon sur la montagne », Jésus appellera ses disciples à aimer tous les hommes jusqu’à leurs ennemis.

Mais il ne faut pas dissocier l’amour de Dieu et sa justice, et d’ailleurs ces béatitudes nous parlent sans arrêt des deux en même temps, l’amour de Dieu et sa justice. Dieu aime tous les hommes, mais il déteste le mal qu’ils font. Aimer notre ennemi ça ne veut pas dire que tout d’un coup il faudrait tirer un trait sur le mal qu’ils ont fait. Aimer nos ennemis, ça veut dire souhaiter qu’eux aussi ne soient plus coupables devant Dieu, qu’ils rencontrent le Christ, qu’ils prennent conscience du mal qu’ils commettent. C’est souhaiter qu’ils en viennent à se repentir, pour enfin cesser de faire le mal et se tourner vers la vie éternelle en Jésus-Christ.

Le mal, c’est le mal. Et il doit être traduit en justice. Dieu rendra un jour justice du mal que commettent les hommes. C’est pour ça qu’il est si vital pour nous de rechercher son pardon, ce pardon qu’il nous offre. Mais Dieu désire également que sa justice se reflète sur cette terre, et que le mal ne reste pas impuni.

On peut aimer son ennemi et pourtant tout faire pour que justice soit faite. Parce que pardonner, ce n’est pas oublier. Aimer notre ennemi, pardonner, c’est souhaiter que le coupable reçoive le pardon de Dieu. Mais ça n’efface pas le mal qui est fait dans nos vies et pour lequel le coupable doit payer.

D’ailleurs nous parlons de pardon gratuit devant Dieu. C’est vrai pour nous, c’est gratuit pour nous, mais en réalité c’est faux, ce pardon n’est pas gratuit, parce que quelqu’un a payé. A notre place, mais il a payé le prix fort. Et c’est Dieu lui-même, qui a donné la vie de son fils. A la place de notre mort spirituelle, Dieu a choisi de recevoir lui-même le prix de notre méchanceté afin que nous puissions trouver le pardon auprès de lui.

Dieu nous a pardonné, mais pour cela il a pris notre punition. De même lorsque nous pardonnons, la justice doit quand même se faire. Les coupables méritent de passer en justice. Que notre amour reste juste, et notre justice soit pleine d’amour, à l’image de Dieu.

Heureux ceux dont le cœur est pur, car ils verront Dieu. Encore une fois c’est Dieu, en nous pardonnant, qui purifie notre cœur, nous donnant ainsi accès à la vie éternelle auprès de lui. Et c’est cette pureté intérieure, spirituelle, qui doit se voir dès aujourd’hui dans notre vie, notre attitude, nos paroles. Lorsqu’une chose est pure de l’intérieur, ça doit se voir. Et bien c’est aussi le cas pour les disciples du Christ.

Heureux ceux qui répandent autour d’eux la paix, car Dieu les reconnaîtra pour ses fils. C’est encore la même chose. La paix c’est avant tout Dieu qui nous l’a donné. Lorsque nous étions coupables, nous étions rebelles envers Dieu. Mais en nous pardonnant, Dieu instaure avant tout la paix entre lui et nous. Et cette paix en Christ que Dieu nous donne, c’est celle que nous devons annoncer, répandre autour de nous, témoigner de cette paix, de ce pardon, de ce salut, de cet amour et de cette justice. Les disciples du Christ, que Dieu adopte comme ses enfants, ont le devoir d’être des témoins de ce que Dieu a fait pour eux et auquel il appelle tous les humains.

Ce texte n’est pas une promesse de consolation dans la souffrance humaine. Il n’est pas non plus une promesse de justice lorsque nous subissons de plein fouet toute la cruauté dont l’être humain est capable.

Mais dans ce monde rempli de mal, de méchanceté, de douleur, de tristesse, ce texte rappelle aux disciples du Christ ce qu’ils sont et ce qu’ils doivent être.

Ils sont enfants de Dieu, pardonnés en Jésus-Christ, membres du Royaume des cieux, héritiers de la nouvelle terre à venir, bénéficières de l’amour, de la justice, de la consolation, de la bonté et de la paix de Dieu.

Et c’est au milieu des malheurs de ce monde, au milieu des souffrances qui nous entourent et que peut-être nous vivons personnellement, c’est au milieu de tout ça que les disciples du Christ doivent apporter le message de justice de Dieu, qu’ils doivent témoigner de son amour, transmettre sa bonté, apporter sa consolation et travailler à faire grandir sa paix.

Que le Seigneur nous aide à nous montrer dignes de l’amour et de la justice qu’il nous a manifestés en tout premier. Amen.

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