Cet épisode s’inscrit dans l’histoire plus générale de la naissance de l’Église lors des premières années de son développement. Le message de Dieu est disponible et se présente à tous. Ses porteurs de flambeau s’approchent de celui qu’ils croisent peu importe son statut, sa condition, sa richesse… il n’est donc pas étonnant que Paul s’adresse aux femmes qu’il abordera dans le chapitre 16 au verset 13 (les femmes dont le statut ambigu leur donnait peu de droit dans l’empire étaient considérées comme « mineures », quelles que soient les fonctions qu’elles pouvaient occuper par ailleurs).
Voilà donc ce que je désire souligner : les femmes ont une place dans le Royaume de Dieu !! Et cette place est reconnue comme ayant la même valeur que celle des hommes. Ce qui nous paraît aujourd’hui évident (encore que…) était l’occasion en ces jours-là d’un positionnement affirmé de l’Évangile de Jésus-Christ : dans son royaume, Dieu donne une place égale à tous, esclave, homme, femme, riche, pauvre, noble, patricien, plébéien et, ce faisant, il redonne à chacun la dignité humaine dans laquelle il l’avait installé « le jour de la création ». Dieu, en Jésus-Christ, donne à Lydie la possibilité de faire le choix fondamental qui orientera sa vie, ses apôtres lui reconnaissent l’autorité sur sa maison et accèdent à sa demande de baptême, Dieu redonne à l’esclave qui prophétisait la liberté de choisir en l’affranchissant de la tutelle de l’esprit et des hommes qui la métamorphosaient en instrument lucratif.
Mais cette histoire n’est pas du goût de tous et les maîtres de la jeune femme ne sont pas disposés à se laisser faire. Leur vengeance somme toute banale, fomentée contre les apôtres, utilise un alibi qui ne cache rien de leurs motivations profondes. C’est bien la perte de leur outil et donc de leur profit qui conduit ces hommes à traîner Paul et Silas devant les magistrats qui, sans autre forme de procès décident de soumettre ces agitateurs au fouet en place publique… contrairement au droit romain. Pourtant, citoyens romains, ces derniers auraient pu, au nom de la dignité proclamée par l’Évangile, utiliser le droit romain dans ses aspects positifs pour revendiquer cette réalité pour eux-mêmes et échapper au fouet. Mais un homme les attendait dans la prison. Et les apôtres acceptent de supporter cette injustice pour donner accès à l’Évangile à un homme probablement peu recommandable. Car l’Évangile de la liberté était aussi pour le geôlier dont la tâche était d’enfermer ses concitoyens. Son salut sera l’occasion pour lui de redonner la liberté aux apôtres dont le droit avait été bafoué par les magistrats. La suite nous apprend que face aux autorités, les apôtres revendiquèrent la dignité qui leur était due : Celle de l’Évangile.
Cette histoire nous livre quelques secrets.
Le premier est que « la bonne nouvelle » est réservée exclusivement à tout le monde et que chacun y trouve sa place. Cette dernière ne dépend pas du regard que pose sur nous la société ou des honneurs ou privilèges qu’elle nous accorde. Elle est le résultat de la dignité dans laquelle Dieu nous a placés et que nous retrouvons en Lui.
Le deuxième est que cette rencontre avec Dieu redonne la liberté de choix. Loin de conduire à une décision dictée par l’Autre (Dieu lui-même ou son « représentant »), elle l’accompagne pour lui redonner autorité sur sa vie, sa maison, sa personne. Il n’est pas question d’utiliser l’autorité reçue de Dieu en vue d’asservir l’autre, quelle que soit notre intention. Cette donnée est incontournable et reste un des marqueurs de l’origine de notre discours et de notre action. Nous devons être attentifs à notre posture. Il est tentant d’utiliser, comme l’ont fait les maîtres de l’esclave, des alibis pour justifier des actions dont les intentions ne sont pas celles que nous annonçons mais trouvent leurs motivations dans la peur, la volonté de maîtrise ou de paraître, le profit, les bénéfices secondaires…
Le troisième est que nous sommes libres vis-à-vis même de notre liberté et de notre dignité. Nous pouvons y renoncer pour l’amour et la liberté de l’autre, prêts à revendiquer l’un comme l’autre pour la dignité de l’Évangile.
Gérard BEZIN