C’est aujourd’hui un lieu commun de dire que notre monde occidental vacille. Les équilibres sont bouleversés. Les crises dans lesquelles sont plongées nos pays européens ôtent aux pays émergents l’envie de prendre nos modèles de société comme idéal individuel et collectif. Les crises identitaires qui nous traversent sont liées entre autre au manque de perspectives données par notre monde occidental et aux difficultés de plus en plus grandes pour bon nombre d’entre nous de trouver par soi-même le chemin de l’accomplissement personnel. Nos références changent. La mondialisation et les échanges de tous ordres bousculent nos représentations. Ce que nous estimions solide il y a seulement 20 ans devient mouvant. Dans nos esprits surgit la tentation de retour à un passé perçu comme sécurisant qui favorise le repli sur soi, le rejet de l’étranger voire sa suppression pure et simple. Il est évident que les guerres actuelles, notamment le conflit ukrainien et celles du moyen orient renforcent ce sentiment d’insécurité. L’Ukraine parce qu’elle se déroule aux portes de l’Europe et le soit disant état islamique parce qu’elle nous rejoint sur nos territoires sous la forme impossible à maîtriser du terrorisme aveugle. Tout comme les guerres de religions à l’époque des croisades, le djihad obéit à des logiques bien plus complexes que la guerre soit-disant sainte menée au nom d’un islam soit-disant pur. Les stratégies politiques et économiques loco-régionales sont bien présentes dans les atrocités accomplies au nom de la justice.
Or la crise réveille toujours en nous des angoisses de mort contenues jusque là par la permanence de nos modèles et de nos institutions et dont les clivages décrits plus haut ne sont que l’expression. Mais elle est aussi une opportunité. Elle nous appelle à considérer ce qui nous fonde, ce sur quoi nous pouvons nous appuyer. L’exercice n’est pas toujours facile ; il nous impose de différencier l’essentiel de l’accessoire et de revisiter nos vies, nos modèles, nos espérances ; il bouleverse nos objectifs, nos choix, nos manières de vivre.
Un sacré programme ! En fait, un programme sacré.
Dieu qui nous connaît bien, nous a laissé une parole fondatrice au travers des évangiles et des lettres de Paul : Pour nous chrétiens, Jésus-Christ est la pierre angulaire sur laquelle repose l’édifice de notre vie individuelle et collective. Celui qui est mort est ressuscité. Le Dieu éternel, l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin est le fondement et la source de notre vie. Notre paix se trouve dans une relation vivante, indestructible que nous construisons tous les jours avec Lui. Il nous transforme et vient nous chercher au cœur de nos sécurités fragiles pour nous porter là où s’ancre notre assurance. Mais cette pierre nous brise (Matt.21v 44). J’aime y voir le travail libérateur de l’Esprit de Jésus qui, par sa vie qui se développe en nous, nous déconstruit. Il fait tomber les chaînes qui limitent notre regard, notre posture, notre espérance. Il remplace nos références insécures par celles qui prennent leur source en son amour et sa vie éternels. C’est un travail souvent douloureux qui nous demande des renoncements apparents. Mais la paix, l’épanouissement trouvés dans la révélation du mystère de la grâce nous conduisent à adopter la beauté de la vie centrée sur Dieu et sur notre prochain.
Devons-nous donc craindre l’avenir et les bouleversement attendus ? Dieu ne nous lance-t-il pas pas plutôt un appel puissant par un message qui, pour fou qu’il soit, est le message le plus libérateur et le plus apaisant qu’il soit donné à l’Homme d’entendre : notre vie dépend d’une personne qui nous aime plus que tout ce que l’on pouvait imaginer jusque là et qui, traversant le temps nous donne accès à l’éternité.
Le monde peut vaciller, trembler ; il peut même emporter avec lui certains pans de nos vies. Dieu nous a fait une promesse : rien ne pourra nous séparer de son amour (Rom.8 v 38)
Acceptons alors avec joie ce retour à ce qui fonde notre foi. Esaïe avait déjà promis au peuple d’Israël que ce chemin faisant, « sa lumière poindrait comme l’aurore… » (Es. 58 v 8).
Gérard BEZIN