Détruire, c’est très facile. Il suffit de quelques secondes, de peu d’imagination et d’une justification quelque peu farfelue pour défaire ce que quelqu’un a construit avec effort et persévérance. Mais bien plus difficile que l’exercice d’édification est celui de la reconstruction.
Le livre de Néhémie nous livre une histoire étonnante. La rencontre d’un homme avec une vision et celle d’un peuple avec la volonté de Dieu. Au début du récit le peuple de Juda revenu de l’exil habite « dans une grande misère et dans une situation humiliante » une Jérusalem dépourvue de murailles et de portes.
La thermodynamique statistique interprète le concept d’entropie comme la mesure du degré de désordre d’un système. Plus le système est en désordre, moins il est capable de fournir un travail. L’entropie de la Jérusalem que Hanani décrit à son frère Néhémie est telle que personne dans cette ville n’était en mesure d’y remettre de l’ordre. Il ne s’agissait pas seulement de rassembler les pierres de la muraille, ni de trouver le bois pour bâtir les portes. Il était question de rassembler les forces, d’éveiller les esprits et surtout de donner de l’espoir à tout un peuple abasourdi par la tristesse, le désordre, la peur, l’injustice et l’oubli.
Néhémie pleure, plusieurs jours durant, le sort de son peuple, il jeûne et prie. Sa prière n’est pas une somme de constats ou de lamentations, c’est une prière active qui exige de Dieu Son écoute attentive. « Tourne ton regard vers moi, sois attentif, écoute maintenant la prière que je t’adresse, moi, ton serviteur. », clame-t-il au verset 6 du premier chapitre. Dans sa demande germe déjà l’action. Une fois son genou se lèvera de terre, son projet se lèvera aussi avec lui. Il cherchera les forces, les ressources, il se mettra en route, il se battra contre l’adversité. La foi n’est elle pas tout ça, en somme ? Se projeter vers la promesse, comme un enfant qui cherche les bras de ses parents.
La foi de Néhémie n’est pas celle de celui qui se met à pousser la montagne pour la déplacer, ni celle de celui qui attend patiemment au pied d’elle qu’elle bouge. C’est celle d’un serviteur de Dieu qui s’agenouille pour la ramasser, caillou par caillou, brique par brique, et qui voit dans le ramassis formé lentement par ses mains, dans l’entropie qui s’efface avec l’action, la promesse qui s’accomplit.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde de consternation pour certains, de désespoir pour d’autres. Que faire ? Pleurer et s’enfoncer dans l’accablement, ou agir ? Quelques pages plus loin dans ce journal vous pourrez lire des récits de personnes qui ont choisi la seconde option. Mais pour eux, comme pour Néhémie, la prière n’a pas été le dernier recours de celui qui ne trouve pas d’issue face à l’adversité. La prière est au cœur même de l’action.
Bien plus belle que la première prière de Néhémie peut être la seconde. Celle dont on ne connaît pas les mots, celle qui est évoquée au verset 4 du deuxième chapitre : « ‘Que désires-tu obtenir de moi ?’ me demanda le roi. Aussitôt, j’adressai une prière au Dieu du ciel ». Au milieu de l’action, là où certains cherchent l’inspiration de l’adrénaline, le serviteur de Dieu cherche son Seigneur, le Créateur, celui qui ordonne la matière et l’énergie. Une fraction de seconde. « Puis je répondis … ».
Diego Moreno