Ne vous est-il pas déjà arrivé de proposer à un ami, à la fin d’une réunion, de le raccompagner chez lui, de faire un bout de chemin ensemble ? Sans doute, dans un premier élan, pour lui rendre service et ensuite, de façon plus inavouée, pour prolonger peut-être des moments conviviaux vécus ensemble. C’est une initiative qui parfois peut nous amener loin, on part dans des discussions à n’en plus finir et on en vient à regretter d’être déjà arrivé à destination et d’ainsi mettre fin à des échanges prolixes.
C’est ainsi que Luc nous rapporte, à sa manière, la marche de deux disciples dont l’un se nomme Cléopas. Ils quittent Jérusalem pour se rendre à la campagne, à Emmaüs, un village situé à onze kilomètres. Ils entreprennent ce parcours la mort dans l’âme. Jésus vient d’être crucifié, son corps mis au tombeau. C’est la tristesse, la consternation, le chaos même chez les disciples. Ils se dispersent, que vont-ils devenir sans leur Maître ?
Est-ce la fin d’une espérance ?
C’est dans ce contexte qu’apparait une nouvelle fois Jésus et cette fois-ci le Seigneur dans toute sa mansuétude choisit d’aller non seulement vers ses amis désespérés mais va jusqu’à leur emboiter le pas sur cette route à contre sens. Il va prendre le temps nécessaire dont ils ont besoin. Pour cela, il ne leur apparaît pas de manière ostentatoire, victorieuse, non, il prend l’allure d’un simple marcheur, « mais leurs yeux étaient incapables de le reconnaître ». Entreprendre de parcourir ce trajet au cours d’une journée est chose courante à cette époque, c’est un temps propice aux rencontres et aux discussions. Par ce biais, Jésus va, tout en marchant à leur côté, sonder leur cœur et leur faire recouvrir la véritable vue, celle de la foi.
J’aime considérer et Luc nous y invite à travers ses écrits, que les premiers témoins de la résurrection du Christ sont des femmes, personnages mineurs au temps de Jésus. Elles sont restées pour embaumer le corps du défunt, des anges leur annoncent que le Christ est ressuscité et elles croient aussitôt à cette bonne nouvelle et s’empressent joyeusement d’aller la partager avec les disciples. Mais voilà, leur témoignage ne convainc pas. La preuve, ces deux disciples sont déjà en chemin, leurs paroles n’ont pas réussi à les persuader de rester à Jérusalem et d’attendre. Ils sont au contraire bien dubitatifs, ils quittent la ville et rien ne semble désormais pouvoir les y retenir puisque celui qu’ils croyaient être le sauveur, le libérateur d’Israël est mort comme un simple malfaiteur. Ils se repassent, chemin faisant, leur vie passée avec Lui et ne comprennent toujours pas. Ils espèrent sans doute se réveiller d’un mauvais rêve. C’est sur cette « mauvaise route » que le Christ choisit d’être à leur côté et de les enseigner. Lui, la Parole faite chair, reprend les textes anciens pour les convaincre point par point qu’il a accompli lui même les prophéties que Dieu avait annoncées pour le salut de l’humanité. Jésus leur lance alors ces paroles: « ah, hommes sans intelligence! Vous êtes bien lents à croire tout ce que les prophètes ont annoncé. Le Christ ne devait-il pas souffrir toutes ces choses avant d’entrer dans sa gloire ? ».
Ces quelques kilomètres de marche, même s’ils se font dans la mauvaise direction ne seront pas de trop pour permettre à Cléopas et son compagnon de comprendre que l’histoire n’est pas finie, au contraire elle commence. Eclairés enfin par cette révélation, ils vont opérer une véritable conversion, un demi-tour et repartir là où le Christ les attend, comme témoins à Jérusalem.
Ce compagnon sans nom de Cléopas, ce peut être nous en chemin…N’avons-nous pas nous aussi pris parfois de mauvaises routes, des raccourcis qui n’en sont pas et changer de direction…?
Si notre coeur est sincère, Dieu vient nous trouver là où nous sommes, Il vient à notre rencontre. Ecoutons-le. Le rôle fondamental des Ecritures dans la révélation du Christ est bien souligné par Luc. C’est en effet fondé sur la Vérité, enracinés dans la Parole que nous garderons notre intelligence éclairée et demeurerons de fidèles témoins du Christ.
Jésus souhaite faire un bout de chemin avec nous, laissons-nous enseigner au risque de bousculer, si cela est nécessaire, nos croyances infondées ou nos habitudes religieuses enkystées, mais de cette marche nous y gagnerons la joie et la lumière dans nos cœurs!
Marie Christine Naulet