Pour la prédication de ce matin, nous allons tout d’abord lire un texte dans le livre de l’Ecclésiaste, au chapitre 11, les versets 1 à 8.
Lecture Ecclésiaste 11.1-8.
Un texte plein de mélancolie, très réaliste sur les jours sombres, difficiles, qui surviennent immanquablement dans notre vie. Et pourtant un texte qui encourage à l’esprit d’entreprise et à la bonne gestion du temps. C’est quand même paradoxal. Mais nous allons voir tout ça ensemble.
La difficulté survient toujours, mais on ne sait jamais quand.
Tout d’abord, il faut le reconnaître, ce texte a un certain fond de pessimisme et de mélancolie. C’est un sentiment assez fréquent lorsqu’on lit le livre de l’Ecclésiaste. A la lecture de ce passage, le monde des bisounours s’effondre : « les jours sombres seront nombreux, et tout ce qui est à venir est dérisoire ».
Dans son livre, l’Ecclésiaste dresse une sorte de bilan de sa réflexion sur le monde, sur la vie, sur l’humanité. Il constate que tout est cyclique, toute chose disparait, puis revient, rien de nouveau, tout recommence continuellement. Et une de ces choses en perpétuel recommencement, c’est le malheur. Général, global, et contre lequel nous sommes impuissants.
« Quand les nuages sont pleins, il pleut à verse sur la terre. L’arbre reste à l’endroit où il est tombé, que ce soit vers le sud ou vers le nord. ». Ce passage nous parle du malheur comme d’un fait contre lequel nous ne pouvons rien. S’il pleut, qu’y puis-je ? Si l’arbre est tombé, il est par terre et il va y rester. On se sent très vulnérable en lisant ce texte. D’autant plus que ce malheur n’est pas présenté ici QUE comme inéluctable. Il est également imprévisible. « Tu ignores quel est le chemin du vent ».
Le malheur intervient toujours en ce monde, et il reste bien souvent imprévisible, inattendu. En lisant ces quelques versets, nous pensons forcément tous aux évènements de cette semaine à Grasse. Et le sentiment le plus frappant, c’est celui de notre vulnérabilité, de notre impuissance, et de cette incapacité à prévoir le malheur.
Nous sommes très très loin de la philosophie à la mode qu’est « la pensée positive ». Si j’y crois vraiment, je vais y arriver ! Ma réussite dépend avant tout de mon conditionnement ! Est-ce que j’y crois profondément ? Dans ce cas je vais réussir ! Est-ce qu’au fond je n’y crois pas assez ? C’est pour ça que ça rate !
En faisant des recherches sur cette fameuse « pensée positive », j’ai trouvé tout un tas de programmes pour se conditionner positivement. Et les titres sont toujours les mêmes : « Découvrez la puissance illimitée de votre esprit et obtenez tout ce que vous désirez de la vie ! », ou encore « La programmation mentale positive : des techniques qui vous redonneront le plein contrôle de votre vie! ».
On a envie d’y croire ! Forcément, nous aimerions avoir un réel contrôle sur les choses ! Pour être rassurés, vivre enfin ce fameux « risque 0 » ! Mais ce n’est qu’une illusion, l’Ecclésiaste l’a bien compris, et il nous livre ses conclusions d’une manière très simple et très franche. C’est un fait qu’il nous faut accepter. Nous ne maîtrisons pas ou peu les évènements de notre vie. Le risque 0 est une utopie. Et fatalement, le malheur surviendra bien un jour. Parce que notre monde, ce monde que Dieu a créé parfait, ce monde au sujet duquel l’Éternel a pu déclarer « cela est très bon », ce monde, par la faute de l’être humain, est marqué par le mal, tordu par le péché.
Le malheur survient toujours, parce que le mal fait partie intégrante de ce monde, de notre vie et de nous-mêmes.
Le temps, un cadeau de Dieu, mais uniquement dans le présent.
Mais en soit, ce qui nous préoccupe le plus, parfois ce n’est pas le malheur en lui-même. C’est souvent le fait qu’il soit imprévisible. Nous ne savons pas quel est le chemin du vent nous dit l’Ecclésiaste. Et nous ne savons pas non plus où nous mène le chemin de notre vie. Pour une raison qui est très simple : le futur ne nous appartient pas.
Le livre de l’Ecclésiaste ramène souvent ses réflexions sur le sujet du temps. Ce temps qui est un cadeau que Dieu nous fait, mais qui reste peut-être un des cadeaux les plus mystérieux que nous recevons de notre créateur.
Souvent, un cadeau on nous le donne, et il est à nous. Nous pouvons agir dessus. Mais avec le temps c’est différent.
Le temps, nous pouvons le concevoir. Nous nous souvenons du passé, nous vivons le présent, et nous imaginons le futur. Le temps est une notion à la portée de notre intelligence.
Et pourtant, dans ces trois composantes du temps que sont le passé, le présent et l’avenir, nous ne pouvons agir que sur l’une d’entre elles : le présent.
Le passé ? Il ne nous appartient plus. Le passé n’est en fait qu’un présent qui n’existe plus. Nous pouvions agir sur le passé lorsqu’il était notre présent. Mais lorsqu’il devient passé, il nous échappe, nous ne pouvons plus rien y faire. On ne réécrit pas le passé. Nous ne pouvons pas agir dessus.
Le futur ? Lui ne nous appartient pas encore. Le futur on peut le voir comme un présent mais qui n’existe pas encore. Je pourrai agir sur lui lorsqu’il deviendra mon présent. Mais en attendant, il n’existe pas. Et je n’ai aucune emprise sur lui.
Je peux toujours essayer de le prévoir, de ramener mon futur dans mon présent par de la planification. C’est d’ailleurs le principe de la prophétie. La prophétie c’est Dieu qui ramène notre futur dans notre présent en nous le révélant à l’avance. Je peux donc planifier, prévoir, anticiper, pour essayer de ramener mon futur dans le présent où je peux agir. Mais je n’ai aucune certitude, et l’Ecclésiaste me l’affirme : « tu ne sais pas ce qui va réussir, si une chose ou une autre, ou bien les deux, seront un succès. ». C’est d’ailleurs pour cela que l’Ecclésiaste me conseille de prendre des précautions : « Partage ton bien avec sept autres ou même avec huit, car tu ne sais pas quel malheur peut arriver ». En gros, ne mets pas tous tes œufs dans le même panier, parce que tu ne sais pas ce qui réussira ou échouera.
Oui je peux essayer de ramener le futur dans mon présent. Mais je ne fais que supposer. Je n’ai pas de certitude.
Finalement, il n’y a que notre présent qui soit à la portée de nos actions.
Et dans notre texte l’Ecclésiaste s’arrête justement sur le rapport entre le présent et le futur. Notre texte nous dit au sujet du futur : « Celui qui guette sans cesse le vent n’ensemencera jamais et celui qui observe toujours les nuages ne moissonnera pas. » Je peux passer mon temps à anticiper le futur, à essayer de le prévoir pour me rassurer, ce n’est pas ça qui sera déterminant pour moi. Ce qui compte vraiment, c’est « qu’est-ce que je fais au moment de mon présent ? ».
Et c’est à cause de ça que l’incertitude fait partie de notre vie. C’est à cause de ça que le « risque 0 » ne sera jamais à notre portée. Je disais que le temps est un cadeau de Dieu, et bien nous nous rendons compte qu’au final, c’est faux. Le temps n’est pas un cadeau de Dieu. Il n’y a que le « présent » que Dieu nous donne, qui soit un cadeau. Le temps, dans son intégralité, n’appartient qu’à son créateur. Et ce créateur m’en partage uniquement un petit bout, cet instant du présent, qui n’est même pas une durée, parce que par définition il ne dure pas.
L’Ecclésiaste nous disait : « Tu ignores quel est le chemin du vent, et tu ne sais pas comment se forment les os de l’embryon dans le sein de sa mère ; de même, tu ne connais pas l’œuvre du Dieu qui fait toutes choses. ». Le futur n’appartient qu’à Dieu et à Dieu seul. Et ce futur, on pourrait le définir assez simplement comme étant « le plan de Dieu ». Dieu peut nous le révéler. Il peut nous aider à le comprendre à l’avance. Mais ça ne nous appartient pas.
C’est pour cela que la Bible, la Parole de Dieu passe son temps à nous exhorter à nous en remettre à Dieu pour notre vie. La Bible ne nous encourage pas à une pensée positive sur nous-mêmes, mais à une confiance en Dieu qui vienne surpasser notre angoisse de ce futur incertain. Oui je sais que dans ce monde marqué par le mal, le malheur survient toujours à un moment ou un autre. Mais j’ai foi dans ce que mon Seigneur est celui que l’Ecclésiaste appelle « le Dieu qui fait toutes choses ». Ce qui me dépasse, ce que je ne peux prévoir, ce sur quoi je ne peux pas agir, lui le connait, lui le prépare, lui peut agir dessus.
La pensée positive ne peut pas venir contrer l’angoisse de l’incertitude. Il n’y a que la foi, cette confiance pleine et entière en notre Dieu, qui puisse me permette de regarder la fatalité du présent et l’incertitude de l’avenir dans une paix et une joie qui seules peuvent venir du « Dieu qui fait toutes choses ».
Et c’est dans cette foi, cette confiance en Dieu, dans cette paix retrouvée, que l’Ecclésiaste peut alors détourner son regard de cet avenir incertain pour le ramener vers le maintenant de l’instant présent. « Douce est la lumière et il est bon de voir le soleil. C’est pourquoi, si l’homme vit de nombreuses années, qu’il les passe toutes dans la joie ».
Avec foi, malgré tout ça : entreprendre
Un beau message. On comprend le principe. Certains jours c’est plus simple. D’autres moins. On a quand même du mal à ne vivre QUE dans le présent. Et ce n’est pas forcément bon non plus. On est bien obligé de penser à l’avenir, pour préparer les choses ! Si je ne pense pas à l’avenir, je ne peux pas planter, semer, en me disant qu’un jour ça va pousser et qu’alors je pourrai récolter ! Si je ne pense pas à l’avenir, je ne peux rien entreprendre ! Je ne fais que me laisser vivre au jour le jour. Est-ce que c’est ça que Dieu veut pour moi ?
Et bien non. Dieu nous demande dans sa Parole d’avant tout prendre conscience de cette inéluctabilité du mal. D’accepter également nos limites, avec humilités, notamment vis-à-vis de l’incertitude et de l’avenir. La Bible nous appelle ensuite à combler ce vide par la foi et la confiance en notre Dieu. Puis, enfin, mais uniquement sur la base de tout ce cheminement qui mène à la foi, notre Seigneur nous appelle à agir même en prévision de l’avenir. Il nous appelle à entreprendre.
« Dès le matin, répands ta semence et, jusqu’au soir, n’accorde pas de repos à ta main ». Sème ! Travaille en vue de l’avenir ! Mais si tu le fais une fois ce cheminement traversé, fondé sur la foi et la confiance en Dieu, alors comme le dis l’Ecclésiaste, bien que « tu ne sais pas ce qui va réussir, si une chose ou une autre, ou bien les deux, seront un succès », malgré que tu saches que « les jours sombres seront nombreux », et bien tu vivras cette affirmation merveilleuse : « si l’homme vit de nombreuses années, qu’il les passe toutes dans la joie ».
Que le Seigneur nous guide, par son Esprit, dans ce monde parfois troublant et perturbant. Qu’il nous accorde le discernement, la paix et la joie, à chaque instant du présent de notre vie. Amen.