Nous connaissons tous le principe d’Archimède qui veut que tout corps plongé dans un liquide subit de la part de ce liquide une poussée de bas en haut égale au poids du liquide déplacé et appliquée au centre de gravité de ce corps. Selon la légende, Archimède a découvert cela dans son bain à Syracuse au 3° siècle avant JC, s’est écrié Eureka. C’est sympa mais en fait je ne sais pas si on réalise combien ce principe est effroyable, songez à ce petit corps qui n’a rien fait, juste plongé, et qui subit de la part du méchant liquide une poussée, comme une pression énorme sur sa personne. La physique est impitoyable.
Et bien ce principe se vérifie tous les jours sur nos petits corps, nous qui sommes plongés dans la société, nous subissons de la part de celle-ci une poussée contraire qui agit sur notre centre de gravité. Tout chrétien plongé dans un liquide subit de la part de ce liquide…
Paul le disait à son ami Timothée plongé dans la société païenne d’Ephèse : « En fait tous ceux qui sont décidés à vivre dans l’attachement à Dieu seront persécutés. » Nous pourrions traduire : « seront mis sous pression. » II Tim 3:12
J’aime cette traduction de la Bible au Semeur, tous ceux qui sont décidés (ou résolus)à vivre sérieusement leur attachement à Dieu. Car voyez-vous ce principe d’Archimède se vérifie surtout sur les individus qui ne se satisfont pas du statu quo de leur vie, qui ne se satisfont pas des tas de ruines ou de portes relationnelles détruites mais qui ont des projets ou des rêves de reconstruction dans leur vie avec Dieu. Vous l’avez deviné on parle de ce Néhémie veut reconstruire la muraille entourant la ville pour témoigner de la gloire de Dieu, pour défendre la réputation de Dieu. Néhémie va revisiter le principe d’Archimède, la poussée, la pression, l’opposition.
Il y a 2 semaines Nous avions laissé Néhémie et les habitants de Jérusalem en plein élan… «levons-nous et bâtissons » et puis dans tout le chapitre 3, il organise le travail et tout le monde s’y met même les parfumeurs… Si vous lisez le chapitre 3 vous verrez que tout le monde semble être bien en place et bien à sa place, on est quasiment dans l’idéal.
Mais l’idéal ne dure pas, la pression ou l’opposition arrive. Et avec l’opposition il y a évidemment le risque que l’élan se brise, que le chantier s’arrête là et que le rêve tourne au cauchemar. Alors il est intéressant de voir ensemble comment Néhémie va surmonter cette opposition.
Pour Néhémie l’opposition prend la forme d’un individu qui porte le doux nom de Sanballat. C’est un homme de Samarie au nord de Jérusalem et de la Judée, on ne sait pas très bien quel était l’étendue de son pouvoir mais il a des hommes à lui, c’est un caïd de Samarie.
Déjà au chapitre 2:10, alors que la reconstruction n’avait pas encore commencé Neh écrit que Sanballat « prit très mal le fait qu’un homme soit venu pour chercher le bien des fils d’Israël » Pas encore commencé, il le prend déjà très mal et au chapitre 3:33 quand il apprend que le projet est en train de se réaliser, il le prend encore plus mal
« Lorsque Samballat apprit que nous rebâtissions la muraille, Il fut en colère et très mécontent » Samballat s’est emballé en quelque sorte…
Réaction très vive qui montre d’ailleurs que Sanballat est très perturbé à l’intérieur et on ne sait pas trop pourquoi. Lui-même peut-être ne le sait pas. Il y aurait comme une force qui le pousserait à s’opposer. Et l’opposition prend une forme particulière qui est d’abord celle du mépris.
Opposition par le mépris (v. 34-35)
On note le mot « Minables », en espagnol « Debiles », très méprisant. On note aussi l’ironie : « Auront-ils un culte de reconnaissance pour l’inauguration. » On entend d’ici la bande de types en train de pouffer de rire ! Il est trop fort Sanballat, c’est normal, c’est lui le chef. Tobiya, l’Ammonite qui est au-delà du Jourdain et qui doit être en visite, en rajoute avec la belle histoire du renard : « Tu mets un renard la-dedans et tout sera détruit »
C’est bien fait, tout cela. Sanballat fait un coup médiatique « le Buzz » Excellent cette image du renard ! Pas d’arguments, pas de faits mais du bagout avec des belles images qui parlent et qui font rire (cela rappelle quelques discours populistes d’aujourd’hui). Un peu facile, mais très fort en même temps. Car si le ridicule ne tue pas, il peut faire très mal. Il peut démoraliser et c’est d’ailleurs le but. « Allez-vous arriver au bout de cette muraille vous les minables, non mais vous vous êtes regardés ?»
Mot Hébreu pour « minable » est utilisé autre part pour dire« sans espoir ».
« C’est sans espoir alors arrêtez tout de suite les frais »
Il y aurait beaucoup à dire sur le pouvoir destructeur de ces mots « minables » ou « sans espoir » que nous avons peut-être déjà entendu dans notre vie et qui ont laissé des traces. On a peut-être déjà rencontré dans sa vie cette opposition par le mépris.
Je me souviens d’une jeune fille prénommée Véronique qui lors d’un camp de jeunes (Jeunesse et Vie) dans les Dolomites décide de construire sa vie avec Dieu. De retour en Belgique, tout enthousiaste elle en parle à ses parents. Après un court silence, sa mère sans un sourire lui dit d’un ton ironique :« Tu vas devenir bonne soeur? »
Dans un autre ordre d’idées, je me souviens de Christophe un copain de lycée qui m’avait dit :« T’es un chouette gars, dommage que tu sois chrétien ! » J’étais solide mais quand même, j’ai accusé le coup.
Et puis, un peu plus tard vient une autre forme d’opposition…
La conspiration (4 :2)
Là on assiste à une opposition qui s’organise et qui forme une espèce d’encerclement: au Nord, les Samaritains, au sud les Arabes, à l’est, en Transjordanie, les Ammonites, à l’ouest sur Bande de Gaza, les Ashdodiens. Et tous ces gens se liguèrent « tous ensemble pour causer du dommage…» (v.2). C’est une conspiration. Ils « spirent » ensemble sur Jérusalem. Ils soufflent ensemble sur Jérusalem, comme le loup sur la maison des petits cochons… mais dans ce cas il y plusieurs loups qui encerclent la maison. Et ceux à l’intérieur se sentent pressurisés, encerclés. Et c’est un sentiment que nous connaissons bien n’est-ce pas ?
Ce sentiment d’encerclement, où le liquide, ou plutôt l’air ambiant vous pressurise de toute part. Ou tout est remis en question, dans tous les domaines de votre vie, vie sentimentale, conjugale, professionnelle, relationnelle. Ou que vous vous tourniez vous ne voyez pas d’issue.
Votre patron est de mauvaise humeur et il semble vous en vouloir, vous êtes sournoisement mis à l’écart, les beaux parents sont compliqués, votre grand garçon à des mauvaises notes partout sauf en gym, votre fille sort avec un gars qui ne fait rien de sa vie, votre femme se plaint que vous passez trop de temps sur votre ordinateur, votre mari se plaint que vous êtes toujours fatiguée, et en plus l’embrayage de la voiture a lâché et puis pour couronner le tout, à l’Eglise on vous demande de vous engager !
Il y a des temps comme cela d’encerclement. Où ce n’est pas vraiment de l’opposition mais où tout semble s’être ligué contre vous. Ou tout semble conspirer pour vous faire baisser les bras et laisser tomber les projets de construction d’une vie pour Dieu.
Des moments où toutes les valeurs que vous défendez en tant que chrétien semblent ne pas fonctionner dans la réalité. Des périodes où être chrétien semble poser plus de problèmes que cela n’en résout. On savait que la vie chrétienne n’était pas une sinécure, mais quand même on espérait être un peu protégé, voire même béni si possible…Non ?
Il y a des moments où le centre de gravité est touché par la pression du liquide : « Il en faudrait peu pour que je ne trébuche, » dit Asaph dans le Psaume 73. L’équilibre est perturbé. Les loups soufflent sur la maison de tous les côtés. C’est l’opposition par la conspiration. Et les résultats ne se font pas attendre.
• La fatigue (v4b ou v10) « Les forces manquent à ceux qui portent les fardeaux »
Tout à coup, la fatigue se fait sentir. Le travail n’est plus si drôle. Les premiers jours poser des briques c’était nouveau, c’était amusant, mais maintenant cela ne l’est plus, on fatigue. Les briques n’ont plus le même poids. Et la phrase fatidique tombe : ce n’est plus comme avant !
• Le découragement (4b) « Les décombres sont considérables »
Elles l’ont toujours été, considérables, mais aujourd’hui elles le paraissent encore plus.« Nous ne pourrons pas bâtir la muraille » c’est trop dur, nous avons présumé de nos forces, en commençant ce projet. Il y a du vrai dans ce que pense l’opposition quand elle dit que nous sommes minables, nous le sommes un peu.
Voilà le résultat de l’opposition par conspiration, par encerclement. David dans le Ps 123 :4 l’exprime très bien : « Je suis saturé par le mépris. » L’idée de saturation, d’encerclement par l’opposition. Et je peux vous dire que je n’aurais pas aimé être là, ambiance lourde, tout le monde fait la tête, il y en un seul qui sourit, Le Satan, l’adversaire qui est l’organisateur de cet encerclement. Bien sûr, il reste en coulisses et n’apparait même pas dans l’histoire de Néhémie. Il a cette pudeur, de ne pas désigner Sanballat comme le Satan personnifié . C’aurait été facile de diaboliser Sanballat pour mobiliser ses adhérents. Néhémie ne le fait pas avec beaucoup de sagesse. Il n’empêche, l’adversaire est là comme instigateur et comme inspirateur de cette conspiration dans un seul but que Dieu ne soit pas glorifié par ce projet de Néhémie, par ce projet de reconstruction des murailles et des vies.
Que va faire Néhémie ? C’est un test pour lui. Et nous qu’aurions nous fait ? Que faisons-nous quand nous subissons l’opposition, ou la pression.
Réponse 1 : PRIER, vraiment prier
Néhémie et les habitants de Jérusalem vont faire quelque chose de très simple, il vont se mettre à prier : verset 36 « Ecoute, ô notre Dieu… »
On est un peu surpris par cette prière. On se dit que Néhémie n’a pas lu l’Evangile qui dit d’aimer ses ennemis ou alors il avait une drôle de façon d’aimer. Il est vrai que nous sommes dans le cadre de l’ancienne alliance avec sa rudesse. Jésus n’a pas encore enseigné le sermon sur la montagne. Mais en ayant dit cela, on n’a pas tout dit. On retrouve ce genre de parole dans certains Psaumes que l’on appelle les Psaumes d’imprécations, ou imprécatoires… J’aime en particulier le Psaume 58 :7, où c’est David qui parle à Dieu en pensant à ses ennemis : « Dieu casse-leur les dents dans leur gueule » (sic).
David était un peu énervé ! Mais il y a dans ces paroles imprécatoires quelque chose à apprendre pour nous. Nous qui prononçons toujours de belles paroles, il nous faut savoir que ces prières étonnantes sont en définitive une manifestation de confiance en Dieu et en sa souveraineté.
Quand on nous attaque quel est notre premier réflexe ? la contre attaque ! On nous a méprisé ou ridiculisé, on va envoyer une petite rafale à la mitraillette de mots bien choisis.
Ca c’est notre premier réflexe, en tous cas le mien ! Celui de David et de Néhémie c’est de s’en remettre à Dieu. Ne pas entrer dans l’escalade verbale avec celui qui s’oppose, mais tout dire à Dieu. Seigneur, tu as entendu, tu as vu, tu connais les blessures que cela provoque, qu’il soit fait selon ta justice. C’est toi qui voit, moi je propose une action radicale de ta part, mais je m’en remets à toi et à ta justice. Paradoxalement ces paroles d’imprécation sont des paroles de confiance et de maîtrise de soi.
Jules-Marcel Nicole raconte qu’une missionnaire toute gentille, qui n’aurait pas fait de mal à une mouche a un jour été kidnappée par des troupes rebelles et emmenée de lieu en lieu pendant des mois. Après s’être échappée, elle a raconté comment pendant ses semaines de détresse, elle avait été soutenue et consolée non pas par les gentils rebelles, mais par des Psaumes d’imprécation ! Chaque jour un petit psaume d’imprécation dans lequel elle pouvait s’en remettre à Dieu.
Vous comprenez bien qu’il ne s’agit pas de vouer son voisin à la damnation éternelle parce qu’il tond sa pelouse en dehors des heures réglementaires. Il s’agit de remettre honnêtement à Dieu sa souffrance, sa colère, son incompréhension devant l’opposition.
Dans l’Eglise de Pau, nous avons eu il y a quelques années pour notre week-end d’Eglise, Emile Nicole, le Fils de J.-M. Nicole. Le thème était « Prier avec les Psaumes » et comme par hasard (ou par hérédité !), Emile nous a beaucoup parlé des Psaumes d’imprécation. Et cela nous a fait un bien fou ! Le dimanche au culte le temps de prière libre fut d’une grande intensité. Comme si une libération s’était opérée. Emile Nicole lui-même en était tout impressionné. Il me le disait encore il y a quelques semaines.
Devant l’opposition du mépris, Néhémie se met à prier, et plus tard pour l’encerclement il fait la même chose, il prie : « Alors nous avons prié notre Dieu » (v. 3). La première réponse à l’opposition est la prière…
Réponse 2 : CONTINUER, simplement continuer
Et puis après avoir prié les habitants de Jérusalem ont fait quelque chose de nouveau et de fort : ils ont tout simplement continué (v. 38). Il est écrit « Cependant nous avons continué.
Vous connaissez le proverbe arabe « les chiens aboient la caravane passe ». Et un autre proverbe du pays du soleil levant : « La bave du crapaud n’atteint pas le vol de l’hirondelle. » Le même sens : qu’importe les moqueries, le ridicule, l’opposition, la caravane continue, le vol de l’hirondelle aussi et le mur monte jusqu’à mi-hauteur.
Et la simplicité de cette déclaration « nous avons continué à rebâtir » du verset 38 rend tout à coup Sanballat et ses acolytes tout petits. Cette phrase simple et forte les a rétrécit. Il s’étaient dépensés, mis en colère pour haranguer leurs troupes pour démoraliser les bâtisseurs. Et la seule réponse qu’il obtiennent « nous continuâmes à rebâtir » au passé simple. C’est frustrant ! Et je crois que devant cette muraille qui monte, c’est le moral des opposants qui en prend un coup. Les bâtisseurs eux continuent de bon coeur.
Chers amis, trop souvent devant l’opposition, on s’arrête. On s’arrête pour s’expliquer, pour se justifier, pour faire le point, prendre du recul, trouver un compromis, on ferait mieux de continuer. La persévérance du faible pressurisé triomphe de l’opposition méprisante du fort, de l’adversaire.
On peut sourire en coin devant notre désir de vivre en tant que chrétiens dans le monde, on continue.
On peut sourire en coin quand on parle de mariage et de fidélité, on continue.
On peut se moquer quand on parle d’intégrité dans la vie et dans les affaires de la vie, on continue.
On peut ironiser quand on parle d’engagement pour le prochain et d’être au service de l’Evangile, on continue
On peut franchement rigoler quand on parle d’un Dieu créateur qui distingue entre le bien et le mal, qui est à la fois justice et amour, d’un Dieu qui s’est donné lui-même comme une solution au problème du mal, on peut sourire, on continue à le célébrer.
Continuer, c’est bien là la meilleure des réponses.
Mais il faut le rappeler, s’ils peuvent continuer c’est bien parce qu’ils ont prié avant et même pendant et qu’ils s’en sont remis à Dieu le Seigneur. Ils n’ont pas seulement serré les dents et fait comme si de rien n’était, non ils continuent avec le moral en haut du cœur « Ils prirent à cœur le travail » (v. 38). Parce que leurs frustrations, leur douleur, leurs révoltes devant l’opposition verbale ils les avaient apportées à Dieu dans la prière, ils peuvent alors reprendre le travail à la muraille avec beaucoup de cœur parce que Dieu le leur avait rempli de sa présence même.
On raconte qu’un jour le grand concertiste Ignace Jan Paderewski (Polonais) était en retard à son concert, petit garçon 9 ans qui s’impatiente, monte sur scène et commence à jouer sur le Steinway un morceau hyper simple à 2 doigt « Chopsticks » Au début les gens ne s’aperçoivent de rien et puis ils commencent à murmurer en entendant la musique de débutant, et les murmures se transforment en bronca : « Qu’on le fasse sortir ce sale gamin, il joue trop mal. Mais que font les parents ? Quelle éducation ! On est venu pour de la vraie musique, pas ce gamin trop nul, dehors !» Dans les coulisses Paderewski entend le tumulte et jette un œil, prend son veston et rentre sur scène, se place derrière le garçon et improvise une mélodie pour accompagner le garçon très impressionné et le virtuose lui murmure à l’oreille « Continue, ne t’arrête pas mon garçon, continue, continue, continue ! »
Today in the world, Moody Bible institute, 1992.
Continuer malgré l’opposition pour que la musique de Dieu se déploie dans votre vie, pour que sa gloire se manifeste par la reconstruction des zones en ruines, continuer pour l’avancement de son règne dans ma vie et dans le monde.
Sur le plan de la prédication il y a encore deux points que nous n’avons pas le temps de développer, : Devant l’opposition ou la pression, il faudrait aussi 3. Prendre des mesures concrètes et en point 4 : Se souvenir de qui est Dieu et du sens projet. (4: 14) Ce sera peut-être pour une prochaine fois, mais je vous encourage à lire pour vous-mêmes les chapitres 3 et 4 et méditer sur l’application possible dans votre vie et dans votre situation si vous rencontrez de l’opposition. C’est votre devoir de la semaine ☺ mais je ne voudrais pas vous mettre la pression.
Je vous invite à vous lever pour chanter ensemble un chant qui nous parle de restauration dans de vert pâturages, de confiance dans les passages ténébreux de l’ombre de la mort, qui nous parle aussi de victoire face à l’ennemi. Yahwé!