Cette semaine, Marc De Micheli nous a transmis un message de Vincent Miéville, président de l’Union des Eglises Libres, message dans lequel il commentait cette image qui circule sur les réseaux sociaux, celle d’une crèche vide. Cette crèche serait une « Crèche de Noël sans Juifs, sans Arabes, sans Africains, ni migrants »… bref, une crèche sans injustices, qui représenterait un monde dans lequel les croyances, les origines et les statuts sociaux n’existent plus. Cette crèche vide représenterait le fait qu’aucune personne ne devrait être discriminée par les conditions dans lesquelles elle est née.
La crèche dans laquelle est né Jésus est un symbole de la condition humaine. En relisant les textes bibliques, on réalise facilement que les conditions de la naissance de Jésus ont été dictées par l’injustice, la peur, la haine. Cet enfant est né dans une époque turbulente. Dans une famille pieuse, certes, mais dans un pays dominé par une puissance étrangère, soumis à ses diktats, régi par un roi paranoïaque, collaborateur d’un régime impérialiste et dictatorial, prêt à massacrer son propre peuple, même des enfants innocents, pour assurer sa position de pouvoir. 2000 ans après, la situation n’a pas beaucoup évolué en termes de tensions géopolitiques dans la région.
Jésus aurait pu naître aussi aujourd’hui, dans une famille de migrants, réfugiés, fuyant la terreur. Cette crèche est toujours là pour nous rappeler que les hommes et femmes de cette planète ont besoin de Dieu. Que nous avons besoin de Dieu. Nous vivons dans un pays privilégié dans lequel les enfants naissent dans de bonnes conditions. Mes filles sont nées dans un hôpital dans de bonnes conditions sanitaires, on m’obligeait à porter un masque, on restreignait les visites pour que les nouveau-nés ne soient pas infectés par des virus. Ma femme n’a pas été obligée d’aller à l’hôpital sur le dos d’un âne, mais dans une voiture hybride automatique avec de bons amortisseurs. Je ne sais pas sais pas si vous avez déjà été enceinte, moi non, mais j’imagine que le voyage de Marie à Bethléem n’a pas dû être simple. Elle a dû se mordre les lèvres : « Mais pourquoi est-ce qu’il a eu cette idée, lui, d’aller se faire recenser, il ne pouvait pas attendre que j’accouche, au moins ? » Le monologue de Dominique (merci Dominique) nous rappelle que ce couple, Marie et Joseph, n’avait rien de spécial. Marie était une jeune (14 ou 15 ans) comme tant d’autres, mais enceinte, tétanisée à l’idée d’être mère, qui plus est mère d’un enfant hors mariage. Joseph, un homme troublé, qui ne dormait pas la nuit, ne pouvait parler à personne, il vivait dans l’angoisse.
Ce couple, me direz-vous, n’a rien en commun avec nous, nous avons la sécurité sociale, des aides sociales, nous sommes logés, nourris, blanchis, si nous perdons notre emploi nous avons l’assurance chômage. Mais ce qui n’a pas changé c’est qu’il y a encore des gens qui vivent dans la peur, dans l’angoisse, dans la solitude. Autour de nous, il y a des gens que nous côtoyons tous les jours, des gens qui sont ébranlés. Combien de gens vont arriver ce soir chez eux et ils seront seuls, séparés de leur famille, comme Joseph et Marie dans cet étable. Combien de gens ont vu leur vie détruite, déchirée du jour au lendemain par un évènement tragique. Combien de gens sombrent aujourd’hui dans la douleur ou dans l’inquiétude. Ces gens-là disent aujourd’hui : on nous a menti. Finalement, le bonheur, ce n’est pas pour nous. Certains ont traversé la méditerranée à la recherche de meilleures conditions de vie, certains ont fui la guerre, ils arrivent dans un centre de rétention ou dans un camp, et ils disent « on nous a menti ». D’autres ont fait des études, ils ont formé un couple, ils ont pris un crédit pour acheter un logement, ils ont eu des enfants, et puis ils deviennent esclaves de leur travail, esclaves de leurs loisirs, ils sombrent dans la dépendance, la dépendance du bonheur, de la réussite, vacances, performance, et puis un soir tout explose et leur famille est détruite par un divorce, une tragédie, une maladie. Ils disent : « on nous a menti ». Des voix sourdes vont s’élever ce soir pour crier « mensonge ». Ils vont dire « Noël ce n’est pas pour nous », « Noël ce n’est pas pour les démunis », « Noël ce n’est pas pour ceux qui souffrent ». On nous a vendu l’idée d’un Noël plein de lumières, de paillettes, un Noël exubérant, plein de cadeaux, et une table pleine et plein de vœux de bonheur. Mais demain ou après-demain nous allons nous retrouver avec les papiers cadeaux vides, la carcasse de la dinde à la poubelle et puis le voisin ne nous dira plus bonjour. Ce sera fini, on passera à la fête du nouvel an et on essayera de remplir notre vide intérieur d’autre chose, d’autres célébrations vides de sens. Et on dira : « Noël, c’est des cadeaux, emballés pendant des heures, déballés en trois minutes », « Noël ce n’est qu’un soir », « Noël n’est qu’une date »…
Mais aujourd’hui, ici, Dieu nous dit « ce n’est pas vrai ». Tout cela c’est des mensonges, des « fake news », vous savez, cette nouvelle expression que le dictionnaire Collins a élu mot de l’année. Aujourd’hui nous avons l’opportunité de retrouver dans la parole de Dieu la Vérité, le vrai sens de Noël. Dieu nous dit qu’il est venu ici, dans ce monde, pour nous:
Matthieu 1 : 20-23 :
Et voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint, et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ».
La première fake-news, la première post-vérité que Dieu veut effacer est celle qui nous dit que Noël ce n’est pas pour nous. Noël est bien plus que le récit d’une naissance, une petite histoire bourgeoise. Noël veut dire que Dieu est venu pour nous chercher, pour nous sauver. Il est venu jusqu’à nous pour nous arracher de la souffrance, de la douleur, de la peur, de l’angoisse. Et il est venu pour tous, pour les démunis, les gens abandonnés, les gens tourmentés. Dieu n’est pas venu au siège militaire de l’époque, Rome, ni au siège culturel, Athènes, ni au siège religieux, Jérusalem, mais dans un petit hameau perdu au fond de la Palestine. Et quand il a voulu annoncer la nouvelle, par qui il a commencé ? Par des bergers. Nous avons une image bucolique des bergers, mais les bergers constituaient la classe la plus basse dans la hiérarchie sociale de l’époque, comme l’a bien noté Flavius Josèphe, historien de l’époque. C’était les oubliés, les sans-abris de l’époque, limite des esclaves, des intouchables, ils étaient méprisés et considérés comme impurs dans l’antiquité juive. Nous avons la chance d’avoir de belles chorales dans l’Eglise qui chantent des chants de Noël. La semaine dernière nous en avons eu trois : les adultes, les jeunes et les enfants. Quel privilège ! Il y a des gens qui payent cher la place pour écouter une chorale chanter des chants de Noël, nous en avons eu trois ! Et les bergers, ils ont eu quoi ?
Luc 2 : 13-14 :
Tout à coup il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés. »
Vous imaginez, l’ange et l’armée céleste ! Il y a Dieu qui décide d’envoyer son fils bien-aimé, il n’a pas lésiné les moyens : allez, vous mettez une étoile qui brille dans tout le ciel, vous me faites exploser une super-nova, et puis vous envoyez une chorale avec fanfarre, vous avez quoi comme soliste, Gabriel, le jeune à la voix angélique ? Et puis quoi comme musiciens ? un quartet ? Mais non ! Un orchestre symphonique ? Mais non ! Envoyez le paté ! L’armée céleste ! Imaginez la tête des bergers. Wow ! Je ne sais pas si vous avez vu Johnny Halliday à Bercy ou Pink Floyd à Pompeï, mais ça ne fait pas le même effet, je vous l’assure. Wow ! Arrête de dire « waow », on va voir ça, on va à Bethléem ! Les plus démunis, les plus méprisés, c’est eux que Dieu est venu chercher, c’est eux les premiers témoins du Christ.
La vraie nouvelle de Noël est que Dieu est avec nous, sans favoritisme, sans discrimination, peu importe notre condition, notre histoire personnelle. C’est les plus défavorisés qui ont reconnu en cet enfant le Messie. Comme Anne, la prophétesse, ou Siméon, vous savez, cet homme juste et pieux qui vient au temple, poussé par l’Esprit Saint et dit :
Luc 2 : 29-32 :
« Maintenant, Maître, c’est en paix, comme tu l’as dit, que tu renvoies ton serviteur. Car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé face à tous les peuples : lumière pour la révélation aux païens et gloire d’Israël ton peuple. »
Le salut est venu sur cette Terre, il est venu pour nous tous. Il est là, à notre portée. A notre porte. Vous savez, le premier cadeau de Noël de l’histoire, c’est Jésus, lui-même. La bible nous dit qu’il était emmailloté dans la mangeoire, enveloppé, emballé déjà. Dieu avec nous. Mais ce cadeau ce n’est pas un petit corps fragile emmailloté. Ce cadeau est une lumière. Une lumière qu’il faut déballer. Pour que nous puissions dire comme Siméon « mes yeux ont vu ton salut ». Cette lumière doit être révélée. Et puis cette lumière a vaincu les ténèbres, elle ne s’est pas éteinte lorsque Siméon ferma les yeux, elle brillera toujours. La deuxième post-vérité, fake news, est que Noël n’est qu’un soir dans l’année, qu’une fois le papier cadeau froissé et les lumières éteintes, cet espoir va s’éteindre aussi. Dieu veut nous dire que cette lumière ne s’éteindra jamais. Noël est pour toujours. Dieu est venu pour rester avec nous, pour nous montrer la voie, oui, mais pour marcher avec nous, aussi. Il est venu pour rester avec nous, pour toujours, de manière inconditionnelle.
Marie est un personnage qui fascine par son humilité. Nous avons cette image d’une jeune femme qui a laissé Dieu utiliser sa vie pour accomplir son plan. Mais lorsque l’ange vient annoncer le fait qu’elle donnera naissance Roi dont le règne n’aura pas de fin, sa réponse est celle que nous aurions eu tous à sa place. « Comment cela se fera-t- il ? » Cette réponse-là elle est bien humaine. Si quelqu’un vient vous dire « vous avez gagné au loto » vous allez répondre « comment cela se fera-t- il, si je n’ai jamais joué au loto ? ». C’est une réponse rationnelle, elle est là pour nous protéger des fake news. Elle a cru.
La chose aurait été facile pour Marie, mais la foi de Marie allait être secouée par les évènements qui s’ensuivirent. Elle ne savait pas qu’elle allait devoir faire la route enceinte jusqu’à Bethléem, qu’elle allait devoir fuir en Egypte et attendre la mort d’Hérode. Elle a simplement accepté de se mettre en route. Dieu est venu jusqu’à elle, oui, il a promis de rester avec elle, mais il n’a jamais dit qu’elle resterait assise à regarder le plan de Dieu s’accomplir. Dieu lui a proposé de faire la route ensemble, mais il n’a jamais dit que la route serait facile et sans embûches. Siméon lui dit « et toi, un glaive te transpercera l’âme ».
Quelqu’un me disait une fois, après un culte, le problème d’être chrétien est qu’on n’a pas le droit de dire « ça ne va pas ». Si on arrive tôt le matin, ou si vous arrivez tard alors c’est au moment de l’apéritif convivial que nous avons après le culte, les gens viennent vous dire « comment ça va ? ». C’est une formule de courtoisie, vous me direz, mais en réalité ici les gens prennent souvent le temps d’écouter la réponse. Je trouve ça fabuleux, je trouve que l’amour entre frères et sœurs peut se manifester de plein de façons, mais l’écoute est quelque chose de très important. Mais alors cette personne me disait, quand on est chrétiens et qu’on te demande « comment ça va ? », tu n’as pas le droit de dire « ça ne va pas ! les collègues au travail me font la vie impossible, je ne parle plus avec me parents, je fais des crises d’angoisse et je me suis attrapé tous les virus de l’hiver ». Tu n’as pas le droit de dire ça, ce n’est pas assez SPIRITUEL. Eh bien, on devrait avoir le droit de le dire. Mais ne faites pas le coup tous en même temps, si tout le monde se met à raconter ses malheurs à la sortie de l’église, les passants vont dire « drôle de façon de fêter Noël, chez les protestants ».
Eh bien, le premier Noël, ce n’était pas joyeux pour Marie. Elle devait dire dans sa tête « soit joyeuse, soit joyeuse, ce Gabriel n’a aucune idée de ce que c’est qu’un accouchement, j’ai jamais souffert comme ça de ma vie, maintenant je veux me reposer et je dois dormir par terre sur la bouse, et puis ce Joseph il n’est même pas capable de trouver une chambre, je connais un pote qui peut me loger, tu parles, on va voir ou est-ce qu’il va le poser le bébé, maintenant, il regarde partout… la mangeoire, il ne va pas faire ça, c’est plein de paille et de bave, mais t’es malade ou quoi, tu ne l’as même pas stérilisée, ta paille ! » Alors je ne veux même pas vous dire ce qu’elle a dû penser quand les sdf bergers sont arrivés avec leurs hallucinations…
Non, Noël ce n’est pas toujours la fête. Je prenais un cours de peinture, à la fin du cours j’emballe mes affaires et je dis à la dame à côté « bonnes fêtes », la dame me répond « non, je vais rester seule chez moi, mon mari vient de décéder et je n’ai pas de famille ». Je l’ai invité passer Noël chez nous, elle a refusé. J’aurais dû insister, peut-être. Noël est une période triste pour ceux qui sont seuls. Ou alors Noël est l’occasion de se prendre la tête avec les gens que nous aimons, la famille qu’on voit jamais, mais on attend le 24 ou le 25 pour se disputer.
Je vais vous dire pourquoi. Parce qu’à Noël, plus que dans d’autres périodes de l’année, la souffrance remonte à la surface. Parce qu’on nous a vendu l’idée que Noël c’est le bonheur, la famille heureuse, le feu qui pétille dans la cheminée, les cadeaux magnifiques, le partage, tout le monde est gentil et généreux. Et puis ce bonheur faux, ce fake bonheur, nous le comparons à notre propre souffrance, à ce qui nous tourmente, à notre amertume, à notre maladie, et soudain le fardeau que nous portons tous les jours de l’année, il devient plus lourd à porter. Eh bien, c’est une fake news, Dieu n’est pas venu avec du champagne et du foie gras pour dire Joyeux Noël, soyez heureux, Dieu est venu jusqu’à nous pour porter ce fardeau. Il n’est pas venu pour nous apporter la joie, oui, mais non pas une joie qui brille et puis se froisse, comme le papier cadeau. Dieu est venu pour prendre nos souffrances, notre douleur, nos rancœurs, le poids qui nous écrase. Pour nous libérer de tout ça. Comme a dit Zacharie, le père de Jean Baptiste:
Luc 1 : 78-79
C’est l’effet de la bonté profonde de notre Dieu : grâce à elle nous a visités l’astre levant venu d’en haut. Il est apparu à ceux qui se trouvent dans les ténèbres et l’ombre de la mort, afin de guider nos pas sur la route de la paix.
Dieu nous délivre pour que nous puissions nous mettre en route avec Lui. Marie a fait confiance en Lui, et cette foi l’a emmené à se mettre en route, avec Joseph, jusqu’à Bethléem, jusqu’en Egypte, jusqu’à Nazareth, jusqu’à Jérusalem. Joseph a fait confiance en Lui et il s’est mis en route. Les bergers se sont mis en route, les mages se sont mis en route pour l’adorer.
Je vous invite à réfléchir aujourd’hui au vrai sens de Noël, à aller au-delà de la fête et des cadeaux et de vous dire : Noël c’est aussi pour moi, Dieu est venu pour moi. Noël c’est tous les jours, Dieu est venu rester avec moi pour toujours. Noël c’est la joie, Dieu est venu me délivrer et m’appeler à marcher avec Lui. Si nous comprenons ça, nous aurons compris le vrai sens de Noël. Et nous pourrons dire comme Marie, lorsqu’elle visite sa sœur Elizabeth :
Luc 1 : 46 – 50 :
Alors Marie dit : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit s’est rempli d’allégresse à cause de Dieu, mon Sauveur, parce qu’il a porté son regard sur son humble servante. Oui, désormais, toutes les générations me proclameront bienheureuse, parce que le Puissant a fait pour moi de grandes choses : saint est son Nom. Sa bonté s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent.