Nous sommes tous troublés par ce qui est arrivé à notre frère et ami Marc de Micheli. On se tient tous dans la prière dans l’unité la communion, la solidarité, mais comment doit-on réagir quand survient la maladie ou l’accident ? Elle nous interroge sur notre foi, elle nous ébranle… Nos convictions ont tendance à voler en éclats quand un proche vit une souffrance que l’on trouve souvent injuste, disproportionnée, pourquoi lui, pourquoi maintenant ?
Tamara avait 12 ans lorsqu’elle s’est fait une entorse à la cheville en tombant d’un mur d’escalade. Elle a beaucoup pleuré et puis elle nous a dit : « Dieu m’a puni. » Mon épouse et moi étions sidéré de la théologie de notre fille, ce n’est pas ce que nous lui avions appris ! Que se passait-il chez notre fille ? Tout simplement ce qui se passe quand survient la maladie ou l’accident: on est déstabilisé ! On vacille sur ses bases justement parce qu’on est surpris par ce qui nous arrive. Alors nous avons pris Tamara à part et nous avons essayé de lui redire l’amour de Dieu et l’espérance qui est en lui. Nous avons essayé de lui donner un cadre biblique pour la souffrance.
La maladie ou l’accident nous déstabilise et c’est normal. Pour ne pas être complètement emporté dans sa foi et sa confiance, il nous faut pouvoir nous replacer dans le cadre solide et fiable de la Parole. Nous allons en parler avec les deux histoires que nous avons lu dans la Bible, celle d’Ezéchias, Roi de Juda au 7ème siècle avant Jésus-Christ et Paul, serviteur de l’Eternel, dans les années 50 après Jésus-Christ. Et je vous propose de le faire en 6 phrases.
1. La maladie arrive même « aux meilleurs »
Partout où l’on parle d’Ezéchias, dans 2 Rois 18-20, 2 Chroniques 29-32 , Esaïe 38, on dit que c’est un type bien, vraiment bien. Dans le livre des Chroniques l’histoire d’Ezéchias commence par ces mots : « Ezéchias fit ce qui est droit aux yeux de l’Eternel. » Il purifie le temple, il réorganise le service du temple et surtout il résiste à l’envahisseur assyrien, le fameux Sennacherib, qui assiège Jérusalem mais qui va rentrer à Ninive complètement bredouille, parce qu’Ezéchias était dans la place. Ezéchias est un héros. Mais il n’a pas de super pouvoir contre la maladie. Il est devenu roi à 25 ans, il tombe malade à 37-38 ans, d’une maladie mortelle. Esaïe vient à son chevet et lui dit de se préparer à quitter ce monde et de mettre de l’ordre dans son testament. 38 ans, c’est jeune pour un bon roi d’Israël.
Paul, on ne sait pas trop ce qu’il a, mais c’est un handicap majeur. Maladie des yeux ou autre, mais lui aussi est un héros de la foi. Il est en pleine implantation d’Eglises, se donne corps et âme à sa mission, c’est un héros du christianisme et ce handicap tombe sur lui ! La maladie ça arrive aux meilleurs, pourquoi ?
Et bien parce que ni la maladie ni la souffrance n’ont un rapport avec le mérite. Jésus le disait aussi : « Il pleut sur les justes comme sur les injustes. » Le juste, à l’époque, c’est celui qui plaît à Dieu, le meilleur moralement parlant, mais il pleut sur lui aussi. Il n’y a pas de protection particulière sur la personne qui serait meilleure que les autres. Et ceci parce que nous faisons tous partie du même monde et que dans ce monde nous sommes mortels. Les maladies et les accidents nous le rappellent, nous sommes mortels et notre corps est voué à la corruption.
Calvin appelait les maladies des « petites morts ». Ce n’est pas très réjouissant, mais cela nous permet de nous souvenir que nous allons mourir un jour et nous allons être malades. Même si la mort et la maladie ne sont pas naturelles (nous étions créés pour vivre éternellement avec Dieu, il a mis en nous la pensée de l’éternité, nous dit l’ecclésiaste), elles sont le cours normal des choses et Il faut nous y préparer, ça arrive même aux meilleurs et ça n’arrive pas qu’aux autres non plus. Il faut le rappeler même si cela ne fait pas spécialement plaisir à entendre. Mais en ayant dit cela, la Parole de Dieu vient ajouter quelque chose d’étonnant c’est le le deuxième point :
2. La bible nous encourage à prier pour la guérison
Ce qui unit ces deux hommes que 7 siècles séparent c’est leur prière. Ces hommes sont malades et ils se tournent vers Dieu, vers l’Eternel, le Bon berger, Adonaï Raphé, celui qui guérit.
Ezéchias le fait comme un homme de l’AT. Il a l’air de faire valoir tout ce qu’il a fait pour Dieu : « Alors Ezéchias tourna son visage du côté du mur et pria l’Eternel en ces termes : de grâce Eternel ! Tiens compte de ce que je me suis conduit avec fidélité d’un cœur sans partage et que j’ai fait ce que tu considères comme bien. » Cela parait un peu présomptueux, mais en même temps Ezéchias se montre d’une grande humilité, il ne revendique pas, il en appelle à Dieu. Il écrit un poème, repris dans le livre du prophète Esaïe : « Je poussai des cris comme l’hirondelle, ainsi que la colombe je gémissais, mes yeux se sont lassés à regarder en haut, Eternel je suis dans l’angoisse : viens et secours moi ! »
Un cri, une prière qui ne revendique rien mais qui s’adresse à Dieu, un Dieu personnel qui comme un père à compassion de ses enfants.
La prière de Paul est moins détaillée, mais le texte dit qu’il a prié trois fois. Il s’agit soit de trois moments précis ou c’est une façon de parler pour décrire une prière intense comme dans le jardin de Getsémané pour Jésus où il demande trois fois que la coupe s’éloigne de lui.
Une prière de supplication, avec un verbe particulier en grec pour prier. Un verbe que l’on retrouve pour le père de cette jeune fille qui est sur le point de mourir, « En voyant Jésus, Jaïrus se jeta à ses pieds et le supplia instamment : ma petite fille va mourir. Viens lui imposer les mains pour qu’elle guérisse et qu’elle vive » Marc 5 :23.
Paul prie avec beaucoup d’insistance pour être guéri, comme Ezéchias l’a fait avant lui.
La bible nous encourage à prier pour la guérison et le rétablissement de la personne malade, et elle nous invite à le faire, sans crainte, sans culpabilité, sans malaise, en toute simplicité. La Bible nous invite « A nous décharger sur lui de tous nos soucis car lui-même prend soin de nous » I Pierre 5 :7, « A faire connaitre à Dieu nos besoins en toutes choses, par la prière et des supplications et dans la reconnaissance » Philippiens 4 :6.
G. Winston, le pasteur qui nous a fait confiance Yvonne et moi, dit dans son petit livre sur la souffrance, de « Tout dire, tout raconter à Jésus ».
3. La médecine joue un rôle dans la guérison
L’Eternel va entendre Ezéchias, et il va lui accorder un sursis de 15 ans. Ezéchias va guérir, va se rétablir. Mais on remarque une petite phrase intéressante présente dans tous les récits de la guérison d’Ezéchias. Dans 2 Rois 20 :3, Esaïe a déjà dit à Ezéchias que Dieu allait le guérir, mais après cela au v. 7 : « Esaïe ordonna : « Qu’on prenne une masse de figues ». On la prit et on l’appliqua sur l’ulcère du roi qui se rétablit. »
Alors on n’y comprend plus rien, est-ce Dieu qui guérit ou les figues ?
Les figues qui sont un remède connu au Moyen-Orient ancien, un médicament anti-inflammatoire. Le texte ne choisit ni l’un ni l’autre mais les deux en même temps. Dieu guérit Ezéchias et les figues le rétablissent. L’un n’exclut pas l’autre. On pourrait parler de synergie, elles travaillent ensemble pour le bien de celui qui souffre. Et Esaïe, prophète de Dieu, n’hésite pas à utiliser les médicaments de l’époque pour la guérison de son roi. Ce n’est pas un manque de foi d’appliquer des figues sur un ulcère alors qu’on a déjà prié pour la guérison. Et la leçon est évidente pour nous, alors qu’on entend parfois aux informations des nouvelles de groupe plus ou moins sectaires qui prescrivent à leurs adeptes de ne pas utiliser la médecine pour guérir. Et souvent c’est la foi qui est mise en avant. La foi qui guérirait sans les médicaments…
N’y aurait-il pas un peu d’orgueil à dire que je vais guérir sans faire quoique ce soit, par la foi seule ? Cette foi ne reviendrait-elle pas à un genre d’exploit sportif qui s’éloignerait beaucoup de l’humilité d’Ezéchias ou de tous ceux qui sont souffrants et qui s’adressent à Dieu ? La parole de Dieu nous invite à utiliser tous les moyens connus et éprouvés, légitimes pour lutter contre la maladie et contre toute souffrance dans le monde.
4. Accepter les « silences » de Dieu
SI Ezéchias est rétabli, Paul lui reste sans réponse par rapport à sa demande. Il reste avec sa maladie et son handicap. Et lui qui connaissait l’Ancien Testament mieux que nous tous réunis a dû se poser des questions. Pourquoi Ezechias et pas moi ? Et nous nous posons la question, pourquoi l’un et pas l’autre. Pourquoi moi et pas les autres, et si on est malade : pourquoi maintenant et pas plus tard, et si la guérison n’arrive pas : pourquoi pas maintenant ?
Tous ces pourquoi restent sans réponse. Et nous sommes appelés à accepter les non-réponses peut-être même les silences de Dieu. Et surtout de ne pas rester bloqués avec ces pourquoi. La souffrance, la maladie pose inévitablement des questions, mais vouloir chercher des explications, des causes ou pire des coupables, nous amène souvent à encore plus de souffrance. Les pourquoi nous tourmentent. Dieu nous invite dans sa parole a cesser de nous tourmenter et à nous tourner simplement avec confiance vers celui qui sait toutes choses et qui fait concourir toutes choses au bien de celui qui l’aime et qui est appelé à entrer dans son projet bienveillant Rom 8 :28. On sait que ce n’est pas facile quand on est au bout du rouleau, quand on est au fond du trou de la maladie de se dire que Dieu a pour nous un projet bienveillant, mais c’est pourtant le cas. Ce projet ne change pas selon les circonstances de la vie, il reste le même. Mais nous n’en connaissons pas tout le détail.
Deutéronome 29 :28 « Les choses cachées sont à l’Eternel, les choses révélées sont à nous et à nos fils pour que nous les mettions en pratique »
Il reste une part de mystère dans cette vie, il y a des choses qui demeurent inexpliquées, mais cela ne veut pas dire inexplicables. Un jour, et c’est là l’espérance chrétienne, quand Jésus viendra nous chercher pour la résurrection finale tout sera éclairci, « nous connaitrons comme nous avons été connu » I Cor 13 :12. Tous les pourquoi de chaque peine recevront une réponse et Dieu essuiera toute larme de nos yeux.
5. Compter avant tout sur la grâce
Paul reçoit malgré tout une réponse : « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans ta faiblesse. »
Je n’étais pas là, mais il me semble très peu probable que Paul ait entendu une voix off qui lui disait ces mots-là. Je le vois plutôt dans la prière et la réflexion, la méditation, la lecture de la Thorah et peut-être des portions d’évangile avec les paroles de Jésus, pour recevoir cette pensée qui murit progressivement et en arriver à cette conclusion, que la grâce de Dieu lui suffisait pleinement, le remplissait pleinement. Que s’il n’avait pas eu de réponse par rapport à la guérison, il en avait une par rapport à l’amour inconditionnel de Dieu pour lui. A savoir que cet amour inconditionnel de Dieu ne s’était pas éloigné de lui alors qu’il était malade mais qu’au contraire il était bien présent dans sa vie d’homme malade ou handicapé et que Paul pouvait compter dessus.
Et même, pensée extraordinaire qui ne peut venir que de l’Esprit, cette faiblesse pouvait servir de révélateur de la puissance de Dieu, de la gloire de Dieu : « Car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » Comme la photo apparait dans le bain du révélateur, la puissance de Dieu est manifeste dans la faiblesse de l’homme malade ou handicapé et cela sans passer par la guérison. Une révolution copernicienne ! Un changement radical de ceux qui sont touchés par la grâce.
J’ai souvent rendu visite à des personnes malades, très malades, des malades de sclérose en plaques, des accidentés de la route (tétraplégique)… qui étaient chrétiens. Jeune chrétien et responsable d’Eglise, je me disais que j’allais les encourager et leur faire du bien. Mais c’était le contraire qui se passait. Quand je voyais les appareillages et les souffrances qui réduisaient leur capacité de vie, j’étais tout troublé et c’était eux qui m’encourageait par leur foi, leur bonté, leur assurance d’être au bénéfice de la grâce de Dieu. On devinait bien qu’il y avait certainement des moments très difficiles, pour eux et leur entourage, mais Dieu et sa grâce étaient présents au cœur même de la souffrance.
Pour Paul, c’était la leçon de sa maladie… de compter sur cette grâce de Dieu, de s’en approcher et de la vivre pleinement.
Je vois un rapport avec cette magnifique histoire sur j’ai lu. Celle d’une femme trisomique, qui a un père odieux envers elle et qui pourra dire un jour : « Il a changé, voilà la guérison ! » La grâce de Dieu à l’œuvre dans la faiblesse.
Conclusion
Puisqu’on parle de la grâce, j’aime dire quand je parle de l’Eglise, que c’est avant tout un lieux de grâce, où l’on peut se poser et se reposer, s’accueillir mutuellement malgré les différences, la diversité d’origine. Mais un lieu de grâce aussi pour les malades, où on s’accueille les uns et les autres dans ses faiblesses et ses handicaps, où l’on prie pour les malades, pour leur guérison, simplement et avec confiance, on se réjouit quand elle arrive et on continue à les accompagner quand elle n’arrive pas. Un lieu de grâce où on se préoccupe des malades, ou on les porte… comme les 4 amis qui amènent le paralytique vers Jésus à travers le toit, pour qu’il puisse s’en approcher. L’Eglise, un lieu de grâce, pour que tous puissent être touchés par cette grâce…