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Cannes le 7 juin 2020
Soyez saints : la pureté
Daniel 1.1-17
La tragique histoire d’Israël
Nous sommes en l’an 605 avant Jésus-Christ au moment de notre récit. Nous sommes arrivés au bout d’un long processus au cours duquel, pendant les centaines d’années précédentes, le peuple d’Israël a connu une lente décadence. Arraché de l’Egypte par la grâce de Dieu et la main de Moïse, puis conquérant la terre promise, le peuple d’Israël n’avait alors comme seul roi que Dieu Lui-même. Mais dès son installation dans le pays promis, Israël fût attiré par les peuples environnants, cherchant de plus en plus à leur ressembler au point de demander à Samuel un roi pour être comme les autres nations (1 Sa 8.5). Etre comme les autres, voilà la racine de tous les maux. Déjà Adam et Eve avaient voulu être comme Dieu dans le jardin d’Eden avec les conséquences que nous connaissons. Ce choix de vouloir être comme les autres nations va constituer un tournant pour Israël dans son histoire. Malgré des rois plus ou moins fidèles à Dieu, le peuple ne cessera jamais de copier les peuples alentours, notamment en matière d’idolâtrie et de pratiques sociales ravageuses sur le plan humain. Après avoir averti son peuple par de nombreux prophètes et l’engager à revenir à Lui sans grand succès, Dieu va finir par laisser Israël livré à lui-même, ce qui va aboutir à l’envahissement d’Israël par les nations environnantes et la déportation du peuple dans différents pays.
Daniel : enjeux politiques et sociaux
Au moment de notre récit, Juda, la dernière province d’Israël à avoir résisté, vient d’être envahi par les babyloniens et une première déportation a lieu, dont font partie Daniel et ses amis. Le récit nous le suggère facilement : Nebuchanetzar, comme c’est la tradition à cette époque, veut prendre la crème de la société de Juda et l’assimiler sur le plan culturel, social, économique et religieux pour en faire un sorte d’élite qui gouvernera dans les hautes sphères de l’Etat. Ainsi, il contrôlera mieux ses sujets de nation étrangère et en même temps, il profitera de leur intelligence et de leurs capacités.
C’est en étant objet d’un tel plan que Daniel arrive dans « la porte des dieux », la plus célèbre cité de l’Antiquité. En arrivant dans cette métropole immense, représentant un empire puissant, les jeunes israélites ont pu et dû remarquer la splendeur de cette ville ivre de fierté, dénotant un orgueil royal incommensurable : « rien et rien que moi » dira Esaie (47.8) en parlant de cette ville dont le nom rappelle celui de Babel. Cette cité se veut le symbole même du culte et de la gloire de l’homme quasiment divinisé et défiant Dieu. Les mages et les astrologues conseillaient un roi qui se prenait pour un dieu. Pour des adolescents bien fragiles encore, loin de chez eux, de leurs repères et de tout ce qu’ils aimaient, se retrouver dans cette ville tout en étant objet d’un enjeu politique devait être très impressionnant, Que va-t-il leur arriver ? Le roi de Babylone arrivera t-il à les séduire et à les transformer en élite politique et technocratique ? Comment pourrait-il en être autrement ?
Le défi de Daniel et le nôtre
Les défis qui attendent Daniel et ses amis ne sont pas si éloignés de nous. Comme eux, nous sommes de race royale, des sacrificateurs pour Dieu. Nous sommes exilés, déracinées, loin de notre patrie céleste. Comme Daniel, le système de pensée de notre monde cherche à nous assimiler, à nous naturaliser. Ce monde n’a rien en effet à envier à la Babylone où se trouve Daniel. Pour ne citer que quelques caractéristiques semblables, nous noterons : immoralité et corruption, violence cruelle et persécutions, athéisme et laïcité, matérialisme impudent et orgueilleux, trafics de toutes sortes et éthique tordue. Pour Daniel, très rapidement allait se poser ce choix : rester soi-même, fidèle à sa culture et surtout à sa foi ou bien se laisser séduire et devenir un babylonien d’adoption. Dans cette introduction au livre de Daniel, c’est comme si un décor était planté pour valoriser le scénario suivant : être ou ne pas être comme les babyloniens. Etre ou ne pas être comme les autres, fait aussi partie des fils conducteurs principaux du scénario de notre vie terrestre. Mais nos choix sont souvent plus nuancés et nos décisions bien plus subtiles à prendre dans nos pays occidentaux qui ne sont pas totalitaires à l’image de Babylone et qui prônent plutôt la démocratie et la tolérance. Dans notre monde occidental, le système de pensée du monde est aussi à l’œuvre mais de façon plus sournoise, plus caché et il nous faut y être prudent comme des serpents ainsi que nous y invite Jésus. Autrement, nous pourrions bien finir par nous y perdre et perdre notre foi.
Les choix de Daniel et ses amis nous interpellent profondément. Ils nous renvoient à notre identité et à notre façon de vivre cette identité. Ils nous invitent à nous demander quelle est notre position dans ce monde. Ils mettent le doigt sur notre sainteté. Lorsque nous accueillons le Christ dans notre vie par la foi, en comprenant son œuvre de pardon, de réconciliation et de vie, nous devenons saints car saint signifie être mis à part pour Dieu. En conséquence, nous ne faisons plus partie de ce monde même si nous y demeurons encore pour quelques temps. Et dans sa première lettre aux chrétiens dispersés, sans patrie, Pierre leur adressera en 1Pi 1.15 cette exhortation reprise du Lévitique : « soyez saints car Je suis saint » (c’est Dieu qui parle).
Dans nos pays occidentaux où la pluralité et la mixité s’entremêlent pour former un tissu social et spirituel entre gris clair et gris foncé, nos contemporains ont besoin de voir de nouveau la différence entre le juste et le méchant, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas. L’Eglise dont nous sommes chacun membres est un sanctuaire que Dieu foule. Elle doit être sainte et marcher avec son Dieu. L’amour pour Dieu et l’obéissance à Sa parole rendent nécessaire une certaine séparation avec le monde environnant pour les chrétiens que nous nous revendiquons d’être.
Laissons-nous enseigner par l’attitude, les choix, les décisions de Daniel et ses amis pour mieux comprendre comment répondre à la vocation de sainteté que le Dieu saint nous lance.
Daniel résolut de ne pas se souiller (v 8)
Le verbe « se souiller » revient deux fois dans ce verset. Daniel avait le souci de plaire à Dieu dans la pureté, séparé de toute souillure, de tout pêché. Etre saint, c’est l’opposé d’être souillé. La sainteté est la séparation de tout ce qui est impur aux yeux de Dieu. La pureté est un des apparats de Dieu. Dans les visions que Daniel aura ou bien dans celles de l’évangéliste Jean dans l’Apocalypse, les mots utilisés pour décrire la représentation divine semblent bien fades pour évoquer la magnificence, l’éclat de la beauté divine. La blancheur est le qualificatif qui revient le plus souvent dans ces descriptions. Et justement, c’est de robes blanches que sont invités à se parer les croyants dans les divers récits et visions que nous trouvons dans la Bible. Avec le sacrifice de Christ, ceux qui étaient souillés par le péché et qui avaient une robe noire ont été blanchi par le sang de l’Agneau. Désormais, ils sont purs comme le Seigneur est pur Lui-même. La purification initiale de notre âme souillée par le sang de Christ nous fait entrer dans la famille des saints en Jésus-Christ (Phil 4.21, 1 Pi 1.22). C’est l’acte fondateur qui va pousser l’enfant de Dieu à se séparer des souillures du monde dans lequel il vit. Désormais, après être né spirituellement, il va grandir dans la foi et va vivre un processus de sanctification pour le reste de sa vie. La sanctification est notamment un processus qui est fait de séparation du mal et des souillures du monde, de repentance et de purification renouvelée de façon continuelle dans le pardon et la grâce de Dieu. Dieu veut notre sanctification (1 Thess 4.3). C’est une des rares choses pour lesquelles la Bible nous donne une indication claire de la volonté de Dieu pour nous.
Des hommes limpides
Ce que Dieu veut pour moi : c’est la question que Daniel a dû se poser quand on lui a annoncé qu’il allait être nourri par les mets du roi. Daniel était suffisamment intelligent pour comprendre que manger des plats de la cour royale n’était pas juste un acte alimentaire. Accepter d’en manger allait avoir des conséquences dans sa vie personnelle et dans sa relation avec Dieu. Accepter d’en manger revenait à transgresser la loi qui interdisait de manger des viandes impures comme on en trouvait à Babylone. Cette nourriture et ce vin avaient pu être consacrés aux idoles auparavant comme c’était la coutume. Les partager avec les babyloniens aurait été symbole comme c’était le cas à cette époque de s’engager en amitié, de montrer son désir d’être loyal au roi. Les partager lors des repas du roi revenait à le faire dans une ambiance corrompue où les mœurs les plus sordides étaient étalées.
La conscience de Daniel était éveillée, Il voulait être le reflet de la beauté, de la pureté de l’Eternel dans une cité corrompue, comme un lys poussant dans un tas de fumier. Il désirait vivre dans la limpidité, la transparence, la lumière de la sainteté comme Dieu. Dans un village, une petite paysanne fût interrogée au cours du catéchisme par son curé : « Dis moi ce qu’est un saint ? » « Un saint, c’est un homme traversé par la lumière, » lui répondit-elle en regardant l’image des hommes de Dieu sur les vitraux de l’Eglise.
A plusieurs reprises dans ses épitres, Paul exhorte ses lecteurs à avoir comme lui, une conduite pure ou sincère. Le mot grec évoquant le mot sincère peut être traduit par « éprouvé par le soleil ». A l’époque, les artisans faisaient des porcelaines très fines et très recherchées. Parfois, des microfissures apparaissaient à la cuisson et pour les dissimuler, les marchands malhonnêtes les recouvraient d’une craie d’une blancheur éclatante. Ainsi, ces porcelaines paraissaient véritables sauf quand on les regardait par transparence à la lumière du soleil. Ainsi, la première leçon que nous donne Daniel, c’est de chercher à être des hommes et des femmes transparents, limpides, sincères.
Nos compromis coupables
La sainteté de Daniel, cette manière d’être différent en refusant de toucher à ce qui est impur aux yeux de Dieu, jette un pavé dans l’eau saumâtre de nos compromis. Il nous faut préciser ce que nous entendons par compromis. Il ne s’agit pas de la tolérance dont nous pouvons user au nom de l’amour ou de ces petites concessions qui permettent, grâce à un bon sens sanctifié, de préserver une harmonie dans les relations humaines que nous vivons. Il s’agit de tout ce qui peut aboutir à l’abandon partiel de la vérité divine au nom de l’opportunisme, du pragmatisme, du relativisme et autres ismes destructeurs.
Sous prétexte de se faire tout à tous pour en sauver de toutes manières quelques-uns (1 Co 9.22), nous finissons par faire preuve d’une incroyable élasticité théologique et morale. Par peur du rejet, de finir isolés, moqués, nous pouvons finir par chercher à ressembler de plus en plus et même trop à ceux qui nous entourent et qui ne sont pas croyants. Nous finissons par y perdre notre identité.
Des ours et des coléoptères
Un chasseur avait un gros ours au bout de son fusil. Il s’apprêtait à tirer quand l’ours lui dit : « Nous pourrions peut-être discuter avant de tirer. Dites-moi, que voulez-vous ? » Le chasseur baissa son fusil et lui dit : « J’aimerais un bon manteau de fourrure pour ne plus avoir froid l’hiver. » Et l’ours lui répondit : « Quant à moi, j’aimerais avoir un estomac bien rempli. Mais nous pourrions nous assoir et en parler. » Ils s’assirent et négocièrent. Un peu plus tard, l’ours repartit seul. Les négociations avaient abouti et on ne voyait plus la différence. Il avait englouti l’homme qui avait un manteau de fourrure maintenant et l’ours un estomac bien rempli. Notre opportunisme, notre relativisme, notre pragmatisme coupable nous assimilent de plus en plus au monde de telle sorte que nous finissons par ressembler étrangement à la société profane qui nous entoure avec un brin de christianisme en plus.
Mais repérer les ours de nos vies et couper court à toute négociation avant qu’ils ne nous engloutissent nous arrive quand même souvent. Mais il y a des compromis encore plus subtils à débusquer car ceux-ci n’émanent pas de la société environnante mais de notre for intérieur. Un séquoia particulier, estimé à plus de 400 ans se trouvait dans une forêt.
Il avait survécu à des tempêtes, éclairs, tremblements de terre, incendies de forêt. Mais soudainement ce grand arbre, ce séquoia énorme est venu s’écraser sur le sol de la forêt.
On s’est demandé ce qui s’était passé. On a coupé ce séquoia et on a trouvé que ce n’étaient pas les tremblements de terre ou les tempêtes qui l’avaient abattu mais de petits coléoptères minuscules qui étaient arrivés au cœur de ce grand arbre et étaient allés le manger.
Ces coléoptères, ce sont toutes ces petites choses comme ces petits mensonges ou ces petites convoitises qui nous tentent. On se dit sur le moment que ce n’est pas bien grave si on leur consent. Mais ils sont autant de petits coléoptères qui finissent à la fin par abattre notre foi et défigurer notre identité d’enfant de Dieu. En prenant la décision de ne pas se souiller avec les mets du roi, Daniel et ses amis nous montrent qu’ils ne veulent pas laisser l’esprit babylonien s’introduire en eux. Comme eux, nous pouvons et devons empêcher le système de pensée de ce monde et le pêché venir se nicher en nous. Certes, notre place n’est pas ailleurs que dans ce monde mais il nous faut nous rappeler que nous ne lui appartenons pas. Puisse Dieu nous rendre fermes dans notre foi, notre identité et notre intégrité pour Dieu.