Nous sommes parait-il le deuxième dimanche l’Avent… Et l’avent est ce temps d’avant Noël, temps où on attend le temps de l’avènement de Jésus… je ne sais pas si vous m’avez suivi mais une chose est sûre : Il est temps de prendre le temps de se préparer à Noël. Je ne sais pas comment vous fonctionnez mais quand mes parents étaient encore parmi nous nous étions Yvonne et moi à chaque Noël un peu tiraillés entre les parents et les beaux parents. Où passe-t-on Noël ? Le 24 chez les beaux parents, le 25 chez les parents ou l’inverse ? La grande question était : « c’est à qui le tour cette année ? »
Ce matin, nous l’avons lu, c’est au tour de Zacharie ! Verset : 8 Un jour, Zacharie assurait son service devant Dieu: c’était le tour de sa classe sacerdotale. 9 Suivant la coutume des prêtres, il avait été désigné par le sort pour entrer dans le sanctuaire[b] du Seigneur et y offrir l’encens »
Aujourd’hui c’est au tour de Zacharie de vivre quelque chose qui sort un peu de l’ordinaire, un peu beaucoup même puisqu’il va recevoir la visite d’un ange, d’un messager de Dieu qui va lui annoncer une bonne nouvelle, la naissance de Jean Baptiste. Vous savez celui qui préparera le chemin du Seigneur Jésus. D’ailleurs les deux cousins vont naître à quelques semaines d’intervalle. Y’a des naissances dans l’air ! Normal, c’est bientôt Noël. Normal quand même pas, c’est un jour exceptionnel pour lui et sa femme Elisabeth qui ne s’attendaient pas à être invités à pareille fête… Mais c’est le tour de Zach. On va regarder de plus près son histoire et on va prendre le temps de le faire, en trois temps même.
Le temps de Dieu pour Zach
Zacharie est un sacrificateur ou un prêtre, un fonctionnaire du temple à Jérusalem, il a épousé d’ailleurs une fille de sacrificateur. Cette histoire est une histoire de famille de sacrificateurs. Soit ! Mais en choisissant cette famille de sacrificateurs Dieu veut peut-être montrer la continuité de son œuvre, c’est dans une famille type de l’ancienne alliance que Dieu va commencer à préparer la nouvelle alliance, avec Jean Baptiste et Jésus… Il y a rupture entre les deux testaments (la venue de Jésus) mais aussi il y a aussi continuité.
Il faut savoir qu’à l’époque il y avait 24 classes de sacrificateurs, au travail deux fois une semaine par an. Mais plus important était la possibilité pour eux d’allumer le feu sur l’autel des parfums. Cela arrivait une fois dans la vie (parfois jamais) est aujourd’hui c’est au tour de Zacharie… C’est le moment, c’est l’instant et pour Zacharie c’est le moment le plus important de sa vie. C’est un moment choisi, particulier, une occasion exceptionnelle, un kairos. En grec il y a deux mots pour désigner le temps: chronos qui a donné chronomètre et kairos qui n’a rien donné.
-Le chronos qui désigne le temps mesurable, c’est le temps des montres et des calendriers, des chronomètres et de la chronologie; c’est le temps qui défile et qui nous pèse parfois.
-Et puis il y a le kairos qui est le temps où il se passe quelque chose, le temps ou survient l’événement qui donne le sens. C’est le temps qui nous élève qui nous enthousiasme.
Si le kronos est quantitatif le Kairos est qualitatif.
Le kairos, c’est le temps choisi par Dieu, le temps de la rencontre, le temps de la grâce. Une parole de Paul dans le NT le dit très bien. II Corinthiens 6 :2 « En effet Dieu déclare dans l’Ecriture : au moment (kairô) favorable j’ai répondu à ton appel, au jour du salut je suis venu à ton secours. Or c’est maintenant le moment (kairos) tout à fait favorable ; c’est aujourd’hui le jour du salut »
Des moments opportuns, favorables, spéciaux… on pourrait parler de moment forts.
Dans notre histoire personnelle nous vivons des kairos (dans notre vie chrétienne par exemple on peut vivre des moments où l’on est rempli de l’Esprit saint et de son fruit, où on se sent prêt à aimer tout le monde et à évangéliser toute la côte D’Azur et même Monaco !
Dans la vie de l’Eglise, des moment forts de communion dans le service où comme Néhémie et sa bande de bâtisseurs on est plein d’enthousiasme pour servir ensemble, de temps de prière où on ressent une communion particulière, un temps de louange qui fait la différence… dans les groupes de maison dans les camps de jeunes. J’ai le souvenir d’un temps comme cela le dimanche matin à Saint Martin/Vésubie au moment de la Sainte Cène à la fois très simple, très beau et fort. J’oserai l’appeler un kairos de Dieu. Le match de volley qui a suivi était pas mal non plus mais peut-on pour autant l’appeler un kairos ? La question reste ouverte.
Avec Zach, Lisbeth et Jean Ba nous sommes à un kairos de l’histoire de l’humanité. Pensez, il ne s’était rien passé depuis 400 ans ! Depuis Malachie les portes parole de Dieu s’étaient tus. Le ciel semblait fermé et puis tout à coup au temps d’Hérode, Dieu prépare un kairos énorme pour un prêtre banal du nom de Zacharie. Le commentateur biblique Frédéric Godet parle de « l’ ouverture du drame messianique »
Pourquoi à ce moment là dans le chronos ? Nous pouvons trouver des réponses sociologico-historico-théologiques. Mais ces explications restent partielles et souvent insatisfaisantes, elles ne suffisent pas à expliquer l’événement. : nous ne sommes pas les maîtres ni du chronos ni du kairos et c’est bien ainsi.
Mais si nous ne sommes pas propriétaires du kairos, nous pouvons malgré tout rester attentifs et ouverts à l’intervention ou même l’irruption de Dieu dans l’Histoire et dans notre histoire. Et oui, il se peut que Dieu veuille avoir un kairos avec toi ! Nous ne pouvons pas convoquer Dieu comme un subordonné mais nous pouvons attendre et nous attendre aux rendez-vous qu’il propose. Et Il s’il nous donnait rendez vous pour ce Noël 2018 ?
Le temps du doute
Dans cet épisode au temple, on a beau être dans un kairos de l’humanité, un petit élément nous rappelle que nous sommes en présence d’êtres humains avec leurs limites et leurs faiblesses. Après le temps de Zach, vient le temps du doute. Mais avant le doute l’ange nous parle d’une prière exaucée, verset 13 « Mais l’ange lui dit: N’aie pas peur, Zacharie, car Dieu a entendu ta prière: ta femme Elisabeth te donnera un fils. Tu l’appelleras Jean » Mais de quelle prière s’agit-il ? Il paraît peu probable que devant l’autel des parfums alors qui représente le peuple il puisse prier pour un sujet personnel à savoir que sa femme ait un enfant. En plus ils sont vieux et ils doivent avoir cessé de prier pour cela.
En sacrificateur juste et irréprochable (dans son service) Zach se doit de prier pour le salut d’Israël pour la rédemption d’Israël et la prière est censée monter vers Dieu comme un doux parfum.
Et Dieu va répondre effectivement va répondre à cette prière par la naissance de Jean Baptiste qui va préparer la venue du sauveur d’Israël, Jésus, le rédempteur. Mais la réponse à cette prière dite dans le temple va englober une autre prière non dite ou que l’on ne dit plus mais qui reste une grande souffrance, celle d’un enfant pour ce couple qui n’en a jamais eu « tu vas avoir un enfant, de ta femme Lisbeth. » Nous pourrions mettre un pluriel Tes prières ont été exaucées.
Alors là, au verset 18 Zacharie, le juste l’irréprochable Zacharie a un gros moment de solitude et de faiblesse : il va mettre en doute la parole de l’ange « à quoi le reconnaitrai-je » Il demande un signe visible, comme un acompte versé, un chèque de caution et il ajoute comme un aveu « car je suis moi-même déjà vieux et ma femme est très âgée »
Deux bonnes raisons de douter : « Je suis vieux » : et Zacharie doit être assez âgé, il n’y a pas de retraite pour les sacrificateurs (oui pour les Lévites qui ont un service plus lourd pour eux c’est la retraite à 50 ans mais pas pour les sacrificateurs) Zacharie est vieux et il se sent vieux. « Ma femme l’est aussi » ajoute-t-il. Ce n’est pas très délicat de sa part mais il a donc là deux bonnes raisons pour ne pas croire d’emblée ce que lui dit un ange même dans un moment si particulier, même s’il se tient dans le lieu saint, entre le chandelier d’or et l’autel des parfums.
De bonnes raisons peut-être mais un doute quand même que l’ange perçoit et que Luc, l’évangéliste exprime clairement. C’est un vrai doute, on aurait tendance à trouver des excuses pour Zacharie mais l’auteur de l’Evangile n’essaie même pas. Zacharie se ramasse royalement, se prend les pieds dans le tapis du temple. Des commentateurs bibliques parlent « d’incrédulité absolue » Ca à l’air grave ! Et donc notre ami Zacharie n’est donc pas si irréprochable que cela mais d’un autres côté il n’est pas le seul dans la galerie des demandeurs de signes.
Le plus connu est sans doute Gédéon et sa demande un peu osée de signe avec son histoire de toison: sèche en milieu humide, humide en terrain sec. Et Dieu lui répond !
Mais même le grand Abraham demande un signe concernant le pays promis « Seigneur Dieu, comment aurai-je la certitude que je le possèderai » (Genèse 15 :8) Abraham, l’homme de Foi présenté comme un exemple à ce niveau, cherche des certitudes. Et Dieu va répondre en faisant Alliance avec Abraham.
Ezechias, roi de judas, le grand réformateur mais malade dit à Esaïe qui lui parle de guérison « A quel signe connaitrai-je que l’Eternel me guérira ?» (2Rois 20 :8) Et Esaïe lui parlera de la part de Dieu de ce fameux signe de l’ombre qui recule de 10 degrés sur le cadran solaire. Dieu arrête le temps pour Ezechias ! Incroyable. On pourrait dire que Dieu arrête le Chronos pour avoir un kairos avec Ezechias.
A tous ces hommes de l’AT, Dieu avait répondu positivement à cette demande de signe et pourquoi pas à ce pauvre Zacharie ? Mais Dieu va répondre ! A sa manière mais il va répondre au doute de Zacharie.
Dans un premier temps il va répondre à ce doute comme il aime le faire : en se présentant. Il donne son nom (comme il l’a fait avec Moïse au buisson ardent : je suis celui qui suit..YHWH) : Ici il s’agit de Gabriel (homme de Dieu; celui qui se tient devant Dieu). Ce nom rappelle la hauteur de son rang. Il est « envoyé » pour une bonne nouvelle (Evangile) » A ce moment là je crois que le doute s’efface dans le cœur de Zacharie. Il se dit peut-être même qu’il a gaffé en émettant un doute…
Peut-être que nous arrivons dans cette période de Noël, le cœur rempli de doutes, de questions, de frustrations. Nous sommes des hommes et des femmes bien fragiles dans notre foi, nous avons parfois des réflexes parfois conditionnés par les circonstances ou les habitudes. Bref, osons le dire, nous manquons parfois de foi devant les promesses de Dieu.
Il faudrait que nous nous rappelions à un moment donné de ce Noël 2018 du sens de cette fête. Nous célébrons Emmanuel, c’est le nom de Jésus : Dieu parmi nous ! Dieu qui demeure parmi nous, qui marche avec nous. C’est lui le signe ! C’est lui le kairos de Dieu dans toutes nos histoires. Le signe concret, historique, tangible, indubitable que Dieu s’intéresse à nous et à notre histoire. Et c’est devant lui, en face de lui, comme pour Thomas que le doute s’efface pour laisser la place à la reconnaissance et à la confiance. « Mon Seigneur et mon Dieu » dit le disciple sceptique aux pieds de Jésus.
Un astronaute américain qui a fait partie d’un programme d’Appolo le disait : Le plus extraordinaire n’est pas l’homme ait marché sur la lune mais bien que Dieu ait marché sur la terre. Alors devant quelque chose de si extraordinaire que reste-t-il à faire : comme le dit le chant : Viens ne tarde plus adore !
Le temps du silence
Troisième temps de ce kairos de Dieu pour Zach, c’est le temps du silence, Zacharie devient muet et le récit indique clairement que cela fait suite à son doute. Le tableau est assez cocasse, il sort du lieu saint, les fidèles sont dans le parvis, comme il a pris un peu plus de temps que d’habitude ils se demandent ce qui s’est passé, il attendent une déclaration mais il ne voit qu’un homme qui gesticule. Il est muet.
Et là je crois que l’on voit plusieurs choses du mode opératoire de Dieu. D’abord, Il y a beaucoup de grâce parce que comme je le disais tout à l’heure ce n’est pas une punition bien sévère. Dieu ne traite jamais le doute très sévèrement, il préfère le corriger, l’éduquer.
Mais il y aussi une pointe d’humour de Dieu : dans le fait que Zacharie reçoit le signe qu’il avait demandé, la preuve qu’il avait demandée qui viendrait lui donner des certitudes et bien la voici: tu seras muet jusqu’au jour de l’accouchement. Tu as neuf mois pour apprécier le signe que je te donne !
C’est l’humour de Dieu: Zacharie reçoit le signe qu’il avait demandé mais ce n’est pas celui qu’il avait espéré. Cet humour cependant n’est pas aux dépends de Zacharie mais en sa faveur. Ce n’est jamais gratuitement, juste pour rire que Dieu fait les choses. Dieu ne se moque pas des gens mais il les éduque. C’est de l’humour éducatif. Et dans son mutisme, la foi de Zacharie est mise à l’épreuve, elle s’affine. Ces neuf mois de silence constitue une leçon de foi.
D’ailleurs c’est à l’issue de cette longue période que Zacharie a lancé son fameux cantique au verset 68. Un cantique préparé dans le silence, peaufiné, travaillé, réfléchi. Il aurait pu le dire dès l’annonce de l’ange mais il n’était manifestement pas prêt. Il a fallu un peu de temps pour préparer aussi Zacharie.
Un temps de silence qui éduque ce sacrificateur…Un kairos aussi, choisi par Dieu pour travailler en silence le cœur de Zacharie, pour lui apprendre la dépendance par rapport à Dieu. Il ne peut rien faire Zacharie pour annoncer la nouvelle de la naissance d’un fils préparateur du messie rédempteur d’Israël. Les gens pensent qu’il a juste reçu une vision, Elisabeth perçoit simplement qu’une bénédiction personnelle lui a été faite. Personne ne sait rien, Zacharie ne peut pas communiquer et il apprend tout simplement à faire confiance en Dieu. C’est lui qui communiquera aux hommes cette bonne nouvelle. Sans le concours de Zacharie.
Une leçon de foi, une leçon aussi sur l’humilité pour celui qui réclame un signe…fais silence et fais confiance. Cela me fait penser à ces textes bibliques qui appellent au silence ! Des psaumes mais aussi Jérémie le spécialistes des lamentations qui met en rapport la confiance et le silence.
3 :21-26 :Voici ce que je veux repasser en mon coeur, Ce pourquoi j’espère :C’est que la bienveillance de l’Éternel n’est pas épuisée, Et que ses compassions ne sont pas à leur terme ;Elles se renouvellent chaque matin. Grande est ta fidélité !L’Éternel est bon pour qui espère en lui, Pour celui qui le cherche. Il est bon d’attendre en silence Le salut de l’Éternel.
Ce salut qui vient à Noël…attendre dans le silence non pas un silence vide, mais un silence rempli de confiance. En cette période troublée, de crise de confiance, de crise d’espérance que chacun vit à différents niveaux, préparons nous à Noël dans le silence de la confiance. En se souvenant qu’à Noël nous célébrons encore une fois, Emmanuel, Dieu avec nous, Dieu pour nous, en notre faveur, ce Dieu en qui nous pouvons faire confiance. Il est Adonaï Jireh, en tous temps il pourvoira.
Temps de silence
Mon beau frère travaille dans l’automobile aux USA, dans la région de Détroit et vous savez que l’automobile allait très mal aux USA surtout en 2008. Ma sœur avait des moments de panique, mon beau frère s’inquiétait énormément, en tant que chef d’un département, il a dû licencier une dizaine de personnes dans son service, et il se disait que peut-être que se serait bientôt son tour. Tous les dimanches matins, en allant à l’Eglise dans la voiture, mon beau frère qui n’est pas un grand bavard faisait le même discours à ces enfants. « Voilà Dieu m’a donné un bon job dont nous profitons bien, ce ne sera pas toujours le cas mais on veut faire confiance »
Et j’imagine le silence qui tombait dans la voiture. Chacun méditait sur la confiance qu’il pouvait avoir en l’avenir, l’avenir avec Dieu, sur sa relation avec lui, sur sa foi en Lui, sur le fondement de sa vie. Et je crois que cela a été une période très formatrice pour ma sœur et sa famille du Michigan. Un kairos en quelque sorte.
Comme pour mon beau frère et sa famille, comme pour Zacharie et la sienne, Dieu tient en réserve un kairos pour chacun d’entre nous. Et comme pour Zacharie le sacrificateur j’ai envie de dire qu’en ce Noël 2018: c’est ton tour !
Chant : Viens ne tarde plus adore