Soutien à l’Ukraine

Marie, l’aventurière

Durant cette période de Noël, il y a une catégorie socio-professionnelle qui voit son activité prendre énormément d’ampleur. A tel point que les salariés ne savent plus où donner de la tête. Je ne sais pas si vous voyez de qui je parle ? Non, je ne parle pas des chocolatiers, ou des fabricants de foie gras du Sud-Ouest, je veux parler des anges !!

En cette période de Noël, ils débordent d’activités. Surtout l’un d’entre eux, Gabriel (l’envoyé de Dieu). On l’a vu dimanche dernier, Gabriel s’était déplacé jusqu’au temple de Jérusalem pour avoir une petite conversation (un kairos de Dieu !) avec le dénommé: Zacharie. Ce rendez-vous pour lui annoncer la naissance de Jean Baptiste. Aujourd’hui (une semaine après ou 6 mois selon le texte biblique), ce messager de Dieu, va vers le nord, la Galilée, vers une bourgade inconnue qui s’appelle Nazareth et dans l’appartement d’une jeune fille qui s’appelle Marie, comme des milliers d’autres. On est loin du temple et des sacrificateurs comme Zacharie, on est dans la chambre d’une jeune femme moderne du premier siècle:

Lecture Luc 1: 26-38

Ce récit de l’Evangile de Luc nous met en présence de Marie. Et avec Marie, les protestants ont parfois quelques problèmes à se situer. Mais qui es-tu Marie ? Alors on sait toutes les dérives du culte à Marie, l’expression « Mère de Dieu » apparue au 5ème siècle nous gène déjà. Quand j’étais plus jeune un pasteur me disait un peu sournoisement: si Marie est la mère de Dieu, est-ce que la mère de Marie est la grand-mère de Dieu ? Et puis, il y a l’immaculée conception, la virginité perpétuelle de Marie, l’assomption du 15 août, les prières à Marie, toutes ces pratiques qui ont été au fur et à mesure érigées en dogmes pour l’Eglise catholique.

Nous pensons que ces dogmes ne sont pas bibliques et théologiquement sinon dangereux du moins troublants, ou « confusionnants ». C’est à cause de cette grande confusion que les Protestants mettent en avant les fameux sola de la Réforme: l’Ecriture seule, la grâce seule, le Christ seul: Jésus seul médiateur entre Dieu et les hommes. Et donc sur la question de Marie, le rideau protestant tombe lourdement.

Mais en tirant le rideau sur la question, il ne faut pas non plus complètement faire disparaître de la scène cette jeune femme du 1er siècle que Dieu a choisie pour porter Jésus le sauveur, seul médiateur entre Dieu et les hommes. Il ne faudrait pas qu’en réaction nous oubliions Marie, son rôle, son exemple, sa foi.

Une jeune femme catholique de tradition et d’éducation est venue un jour vers moi l’air assez troublé et m’a demandé avec une certaine crainte dans la voix : « On m’a dit que les protestants ne croyaient pas en Marie. » Il s’agit là d’un énorme malentendu. Nous croyons en Marie telle que la Parole de Dieu nous en parle. Et elle nous en parle au chapitre 1 de Luc qu’on appelle « L’annonce faite à Marie ».

Ce qui est frappant dans ce récit, outre sa beauté, c’est son côté très scandaleux. On a tendance depuis des siècles à aseptiser ce récit de Noël, ou le sacraliser, on met des auréoles partout, les visages sont doux et souriants. Ils l’étaient peut-être, mais il faut bien se rendre compte que tout commence par un scandale. Une jeune fille tombe enceinte et elle n’est pas mariée, ou plutôt elle n’est pas encore mariée… Elle est fiancée à Joseph et donc déjà engagée. A l’époque les fiançailles sont déjà un engagement définitif, qui demande un divorce en cas de rupture. Vous imaginez le scandale pour Marie et sa famille, la réputation de Marie et de ses proches est mise en jeu, les ragots, les soupçons, les sourires en coin, les ricanements… « Tu as vu c’est elle qui… »

Mais Marie, semble prête tout à risquer, même sa réputation pour se mettre au service de Dieu, la petite Marie est prête à vivre ce scandale, à voir sa réputation partir en fumée, à entendre les réflexions derrière son dos et à voir les sourires entendues. Elle est prête à être l’objet d’un scandale parce que pour elle il y a des choses plus importantes que cela. Et cette chose au dessus des autres pour laquelle elle est prête à risquer sa réputation de fille sage : c’est de se mettre au service du royaume de Dieu. Quelque part Marie est une révolutionnaire, elle est prête à marcher à contre courant de la société bien pensante, à se moquer du qu’en dira t-on et tout cela pour Dieu. Et je me disais qu’au lieu de lui mettre un voile bleu et un visage angélique, on pourrait lui mettre des combat shoes, et un tee shirt du Che avec en prime quelques piercing dans le nez et quelques tatouages (un peu comme l’actrice Noomi Rapace dans Millenium). Nous n’irons pas jusque-là, mais Marie est une jeune femme fantastique, prête à tout pour Dieu. Prête à perdre sa réputation pour que Dieu soit glorifié dans sa vie. Une risque-tout que cette Marie !

Et on se demande si ce n’est pas pour cela que Dieu l’a choisie entre toutes pour porter Jésus. Elle n’était manifestement pas plus sainte qu’une autre, pas moins non plus… Mais la sainteté n’a jamais été un critère de choix pour Dieu (heureusement pour moi d’ailleurs !) Ce qui était peut-être déterminant dans le choix de Dieu, c’est cette disponibilité de Marie à vivre quelque chose d’étrange et de dangereux pour elle et son confort personnel. Oui Dieu pourrait l’avoir choisie pour cela, car Dieu utilise toujours ceux qui sont prêts à partir à l’aventure avec lui et pour lui. A risquer leur réputation. Et Marie est prête. Marie, l’aventurière de Dieu.

Aventurière peut-être, mais avec les pieds sur terre malgré tout. Quand elle dit : « Comment cela se peut-il puisque je suis vierge », on comprend que Marie a saisi la complexité de l’affaire et le fait aussi que sa réputation est en jeu. Mais il n’y a pas de doute dans ce qu’elle dit, comme pour Zacharie, elle se pose juste la question du comment.

Et l’ange lui répond en utilisant une image poétique « La puissance du Dieu Très-Haut te couvrira de son ombre » comme pour la nuée qui entrait dans le sanctuaire et qui le remplissait. On n’est pas beaucoup plus avancé du point de vue obstétrique, mais cet enfant vient de Dieu lui-même et l’ange continue en précisant le nom et surtout la grandeur de cet enfant qui va naitre. Il utilise d’ailleurs un futur simple. « Il sera » . Il y a de la puissance dans ce sera… Il n’y a pas à revenir la dessus, ce n’est pas une conjecture, il n’y a pas de « si » (si tout se passe bien, s’il grandit bien, s’il passe son baptême et sa confirmation, son cathé…), non Jésus n’est pas adopté comme fils de Dieu par son obéissance, il l’est… il sera grand et saint pour sauver le monde.

Et Marie prend tout cela et dit oui sans hésitation. Elle ne demande pas de signe comme Zacharie, mais elle en reçoit un quand même : « Ta cousine très vieille est enceinte, rien n’est impossible à Dieu. » Elle aura besoin certainement de ce signe pour alimenter sa foi tout au long de sa grossesse… et par la suite. Mais pour l’instant elle est prête à risquer sa réputation de jeune femme juive de bonne famille pour répondre à l’appel de Dieu.

En ceci elle est pour nous un incroyable exemple : pour nous qui avons peut-être tendance à rester dans le socialement correct, dans le religieusement correct… dans tout ce que vous voulez mais tant que cela reste correct… correct souvent synonyme de tranquille ! Et je me dis qu’en cette période de Noël où tout se fera comme d’habitude très correctement, nous avons besoin de retrouver ce parfum de scandale qui émane du premier Noël et de cette jeune fille. En ce Noël 2018, nous devrions être prêts à vivre un certain scandale en tant que chrétien pour pouvoir glorifier Dieu d’une manière particulière dans notre vie.

Parce que même si nous ne nous appelons pas Marie, Dieu nous a choisi nous aussi en Jésus-Christ. Dieu nous appelle chacun par son nom pour que notre vie porte du fruit…

Pour mieux vivre de son exemple, j’aimerais décortiquer quelque peu ce récit et souligner un deuxième aspect de cette scandaleuse Marie qui sera si utile pour Dieu.

Le premier aspect était le fait qu’elle était prête à risquer sa réputation pour Dieu et le nouveau royaume en marche. Le deuxième qui fait aussi de Marie une femme utile à Dieu, c’est sa relation particulière avec la grâce.

Le mot grâce revient deux fois dans les paroles de l’ange (traduit par « faveur »). La première fois au verset 28, quand l’ange lui dit : « Je te salue toi à qui une grâce a été faite » (κεχαριτωμένη).

J’ouvre une parenthèse. Il n’est pas dit, « pleine de grâce »… qui est une traduction forcée et qui laisserait entendre que pleine de grâce, Marie pourrait en transmettre aux autres… Ce n’est pas de cela dont il est question. Le terme dans l’original met l’accent sur la réception de cette grâce. D’ailleurs, même la Bible de Jérusalem porte : « Comblée de grâce ». Elle reçoit une grâce, c’est-à-dire la faveur de Dieu, un regard favorable qui se pose sur elle… ερες γρ χάριν παρ τ θε

Comment va-t-elle réagir ? Comment va-t-elle recevoir cette grâce ? Avec cette réponse devenue extrêmement populaire en raison d’un vendeur de savon pour cheveux qui sait parler aux femmes « parce que je le vaux bien » ?

Non, pas du tout ! Marie est à des années lumières de cela, elle reçoit cette grâce avec énormément d’humilité : selon les traductions, on parlera de trouble, de surprise, et même de bouleversement intérieur…

Pourquoi ? Parce qu’elle sait qu’elle ne mérite pas cette faveur. Parce que Marie ne voit rien dans sa vie qui mérite une telle salutation. Elle ne voit rien en elle qui puisse attirer la faveur ou la grâce et c’est pour cela qu’elle est troublée. Je ne mérite pas tout cela.

Illustration : Vous savez quand quelque chose de désagréable nous arrive, nous nous posons tous la même question : « Est-ce que je mérite cela ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cela » parfois même on ajoute au « bon dieu ». Comme le titre d’un bon film bien français.

Mais quand quelque chose de bon et d’inattendu nous arrive, on ne se pose jamais cette question : « Qu’est ce que j’ai fait de bien pour mériter cela ? » Non, on le prend comme si c’était dû quelque part. Comme si on le valait bien… n’est-ce-pas ?

Marie elle, reçoit une grâce et se demande si elle la mérite. En fait, elle considère cette grâce comme ce qu’est réellement une grâce, à savoir quelque chose d’immérité.

Et plus loin dans son fameux cantique que l’on appelle le Magnificat : «  Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit a de l’allégresse en Dieu mon sauveur, parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici désormais toutes les générations me diront bienheureuse parce que le tout puissant a fait pour moi de grandes choses. »

Vous aurez noté que Marie parle d’un sauveur : « Mon esprit a de l’allégresse en Dieu mon sauveur. » Et qui a besoin d’un sauveur ? Celui ou celle qui a besoin d’être sauvé. Marie a conscience non pas qu’elle ne mérite rien, mais de ce dont elle a besoin. Elle a besoin d’un sauveur. Parce que Marie a conscience de son insuffisance, de ses limites, de son incapacité à faire le bien qu’elle voudrait peut-être faire mais sans jamais y parvenir complètement, Marie a besoin de quelqu’un qui viendrait prendre sur lui tout ce qui la sépare du Dieu trois fois saint, Marie a l’humilité de reconnaître qu’elle a besoin d’un sauveur… Et c’est ce genre de profonde humilité qui la rend si utile pour Dieu, c’est pour cela qu’elle a été choisie, non pas pour sa sainteté, mais pour son humilité.

Marie est une femme qui reçoit la grâce de Dieu avec énormément d’humilité. Et son exemple peut évidemment nous inspirer ce matin, alors que Noël approche, sommes-nous prêts à recevoir sa grâce, c’est-à-dire à reconnaitre que nous avons besoin d’un sauveur nous aussi ?

Troisième et dernier point qui vient à la fin du passage, c’est Marie qui conclut par ces mots incroyables pour une jeune fille qui dix minutes plus tôt allait mener une vie tranquille : « Je suis la servante du Seigneur qu’il me soit fait selon ta parole. »

Cela peut signifier pour nous simplement une belle phrase biblique, une de plus. Mais ce serait oublier que c’est une jeune fille qui la prononce et qui n’a rien demandé à personne. Une jeune fille qui avait fait certainement des plans pour sa vie… et là elle abandonne ses projets pour se soumettre à celui de Dieu. Pour partir à l’aventure d’une grossesse improbable. Qui a déjà porté le Fils de Dieu ? Est-ce que cela s’est déjà fait ? Est-ce que Dieu s’est déjà incarné ? Non, tout est nouveau et elle dit oui, je suis la servante du Seigneur. (Il ya un chant dans le recueil J’aime l’Eternel qui s’intitule « Reçois ma vie comme une adoration » et l’un des couplets dit « J’abandonne sur ton autel en réponse à ton appel, mes désirs mes ambitions car tu es mon Dieu ma passion. » Marie aurait pu le chanter dans un autre cantique ! Et Marie sera utile entre les mains du Seigneur pour cette disponibilité totale jusqu’à abandonner ses plans de carrière ou de vie familiale pour adopter le projet de pour elle et pour l’humanité.

Cette jeune fille d’une petite bourgade de Galilée, a semble-t-il une vision plus large que son petit univers. Elle veut être la servante du Seigneur dans le plan qu’il a pour les hommes et les femmes de sa génération et de celles qui suivent.

Et pourtant on sait que cette grossesse ne va pas lui apporter que des joies… plutôt même des problèmes. Personne ne veut voir son fils rejeté par tout le gratin de la société, aucune mère ne veut voir son fils mourir d’une mort violente dans la trentaine.

Elle ne le sait pas à l’époque, mais on peut imaginer qu’elle a dû pressentir que tout ne se ferait pas sans heurts sans souffrance… « Je suis la servante du Seigneur qu’il me soit fait selon ta parole. » Pouvons nous nous aussi dire cela ?

Décidément cette scandaleuse Marie a des choses à nous dire pour être des hommes et des femmes utiles pour le Seigneur et son royaume. Comme elle, une grâce nous a été faite, comme elle, un appel nous est adressé. Allons-nous répondre comme elle ?

En étant prêt à prendre des risques pour Dieu, on revient au thème de l’audace… Sommes-nous prêts à risquer notre réputation du gendre parfait, petite fille qui fait tout bien. Et le faire pour Dieu.

En déclarant sa dépendance complète par rapport à la grâce de Dieu, en vivant au quotidien sous la grâce.

En étant disponibles pour adhérer pleinement au plan de Dieu pour nous, quitte à abandonner quelques ambitions personnelles et un peu de confort.

Le chant que vous allez entendre n’est pas un chant d’adoration à Marie mais un chant qui nous parle de Marie, « Marie savais-tu » tout ce qui allait arriver ? Non tu ne le savais pas mais tu as dit oui à Dieu malgré tout. Cela s’appelle la foi. Marie une femme de foi et en cela elle est exemplaire.

Chant: Marie savais-tu ?