Bonjour à chacun et chacune. Aujourd’hui pour la prédication nous allons étudier ensemble un texte qui faisait partie des lectures de la semaine de « la Bible en 6 ans ». Pour ceux qui ne connaissent pas, la Bible en 6 ans est un programme de lecture quotidienne de la Bible étalé sur 6 ans. Et nous suivons ce programme de lecture dans notre communauté, comme un engagement que nous prenons les uns avec les autres.
Et il se trouve que cette semaine, un texte en particulier a retenu mon attention, parce qu’il est un peu dérangeant. Il m’a mis longtemps un peu mal à l’aise. Et durant une visite pastorale que j’ai faite cette semaine, on m’a interpelé sur ce texte. Ca a donc été pour moi l’occasion de me replonger dans ce passage, de le méditer tout au long de la semaine, et de le partager avec vous ce matin.
Et ce texte que nous allons lire maintenant se trouve dans l’Évangile de Matthieu, au chapitre 13, les versets 10 à 17.
Lecture Matthieu 13.10-17.
Alors avant de parler de ce passage, un peu de contexte. Jésus était vu par les juifs de son époque comme un enseignant itinérant parmi d’autres. En effet, un des grands courants théologiques de l’époque, le courant pharisien, avait pour coutume la pratique de cet enseignement itinérant. C’est-à-dire qu’un rabbin, un enseignant, pouvait voyager de ville de ville pour enseigner la Parole de Dieu. Et généralement un groupe de disciples suivait ce maître. C’était même un peu un marqueur de l’autorité, de la popularité du rabbin en question : plus il avait de disciples qui le suivaient, plus le rabbin avait d’autorité.
Mais ces enseignants s’adressaient à des foules très variées. Il pouvait y avoir des fonctionnaires, des bergers, des artisans… Un peu de tous les niveaux socioprofessionnels avec des niveaux d’éducation différents. Et il fallait pouvoir être compris de tout le monde. Alors beaucoup d’enseignants juifs de l’époque utilisaient des paraboles, des histoires, pour illustrer, expliquer certains points de leur enseignement. Parce qu’une histoire, ça parle à tout le monde.
Jésus s’inscrit dans cette pratique pharisienne de l’enseignement itinérant, avec son propre groupe de disciples. Il ressemble aux autres rabbins pharisiens, il fait comme eux, il porte même leur habit traditionnel : une tunique à franges. Mais il y a quand même quelques différences entre Jésus et les pharisiens.
Par exemple, c’était généralement les disciples qui choisissaient leur maître. Mais avec Jésus, c’est l’inverse, c’est lui qui choisit ses disciples. Autre différence, le courant pharisien avait une théologie assez reconnue notamment sur le respect strict de la Loi de Moïse, même s’il y avait quand même certains débats internes. Mais Jésus semble prendre beaucoup de libertés vis-à-vis de l’interprétation pharisienne de la Loi.
Jésus ressemble à un pharisien, il pratique son ministère comme un pharisien, mais quand on est attentif on remarque qu’il est quand même très différent des autres pharisiens. C’est d’ailleurs pour ça que dans les Évangiles les pharisiens sont d’abord intrigués par Jésus, ils se questionnent beaucoup à son sujet, ils le questionnent aussi énormément. Mais au début il n’y a pas d’opposition parce qu’il semble être l’un des leurs. Ce n’est qu’une fois qu’ils ont compris que Jésus est non seulement différent mais aussi dérangeant qu’ils voudront le mettre à mort.
Jésus fait comme les pharisiens, mais il le fait différemment. Et un autre point à la fois de ressemblance et de différence, c’est l’utilisation des paraboles.
Comme les rabbins pharisiens, Jésus utilise des paraboles. Mais les pharisiens les utilisent uniquement pour illustrer, expliquer un enseignement qu’ils viennent de donner. Ils commencent par affirmer une chose, puis pour mieux se faire comprendre ils l’illustrent par des images, par une histoire.
Avec Jésus c’est complètement différent. Pour enseigner, ça lui arrive de n’utiliser QUE la parabole. La parabole ne vient pas comme explication de son enseignement, mais parfois son enseignement se résume à une simple parabole. Jésus se met devant la foule, il leur raconte une histoire, une parabole, et puis voila. C’est tout. Il n’y a pas d’explication, pas d’enseignement avant l’histoire. Il n’y a que la parabole.
Ce qui fait que régulièrement même ses disciples ne comprennent pas où Jésus veut en venir ! Ils écoutent leur maître enseigner, ils n’entendent qu’une histoire, puis ils le prennent à part pour lui demander « Mais ça veut dire quoi en fait ? ». Et Jésus alors accepte d’expliquer le sens de la parabole, mais uniquement au groupe restreint de ses disciples. La foule, elle, reste avec juste une histoire.
Et c’est justement ça le contexte de notre passage. Jésus vient de raconter la célèbre parabole du semeur. Puis dans notre passage ses disciples viennent lui demander pourquoi il n’utilise que des paraboles pour enseigner la foule. Jésus leur répond, nous allons le regarder ensemble. Puis si vous lisez la suite de ce chapitre, Jésus continue par leur expliquer la parabole qu’il vient de présenter à la foule.
Pourquoi Jésus n’enseigne parfois QUE par des paraboles ? Pourquoi n’est-t-il pas plus clair ? Plus explicite ? Une lecture rapide de ce passage pourrait presque nous faire croire qu’il ne « veut pas » que les gens comprennent. Qu’il ne « veut pas » qu’ils se convertissent. Nous pouvons avoir l’impression que les gens ne croient pas « à cause » du mode de communication du Christ.
Pourtant, c’est exactement l’inverse. Ce n’est pas le mode de communication qui produit l’incrédulité dans ce passage. Mais c’est leur incrédulité qui amène le Christ à utiliser ce mode de communication.
En effet, en réponse au questionnement de ses disciples, Jésus leur explique : « Voici pourquoi je me sers de paraboles pour leur parler : c’est que, bien qu’ils regardent, ils ne voient pas, et bien qu’ils écoutent, ils n’entendent pas et ne comprennent pas. » Et plus loin il site le prophète Ésaïe : « Car le cœur de ce peuple est devenu insensible, ils ont fait la sourde oreille et ils se sont bouché les yeux ».
Le peuple, et notamment les pharisiens, ont fermé leur cœur à Dieu. Oui ils prononcent tout haut des prières à Dieu, oui ils ont une apparence de piété, oui ils récitent les commandements du matin au soir, mais par orgueil, par égoïsme, ils ne pensent qu’à eux-mêmes et à leur propre salut. Ils se sont réfugiés derrière la Loi de Moïse pour leur propre sécurité, mais par la même occasion ils se sont coupés des autres, de l’amour envers l’autre et de l’amour envers Dieu, qui sont le cœur, le centre de la Loi de Dieu.
Fatalement, lorsque le Christ vient pour réexpliquer la Loi. Pour en montrer le fondement, ce fondement d’amour. Eux l’entendent, mais ne le comprennent pas. Ils le regardent, mais ne le voient pas. Ils ont fermé leur intelligence. Ils ont verrouillé leur cœur derrière des principes et des règles.
Alors le Christ, par son mode de communication, vient uniquement révéler, mettre à la lumière ce qui se passe dans le secret du cœur de ses contemporains : ils entendent son enseignement en paraboles, mais ils ne comprennent pas. Ils regardent les miracles du Christ, mais ils n’y voient pas l’amour de Dieu derrière le miracle.
De nos jours, qu’est-ce qui peut bien fermer l’intelligence de nos contemporains ? Qu’est-ce qui peut verrouiller leur cœur ? Qu’est-ce qui peut les empêcher de voir Dieu au travers du message d’amour de notre Seigneur ? Qu’est-ce qui peut les couper de l’amour du prochain ?
L’argent ? Le confort ? La paix apparente ? Ou bien une certaine pensée populaire qui viserait à tourner en dérision la foi en Dieu ? Ou encore le dégoût face aux actions de ceux qui agissent soit disant au non de Dieu ? Et là je ne parle pas d’autres religions, mais bien de la nôtre.
Qu’est-ce qui peut bien verrouiller leur cœur et fermer leur intelligence ? C’est difficile à déterminer, c’est souvent du cas par cas. Mais pour être des témoins efficaces, il nous faut chercher à le comprendre. Pour savoir comment leur parler. Comment agir. Avant de témoigner envers l’autre, il nous faut nous intéresser à lui, à ce qu’il est, à ce qu’il pense. L’amour de l’autre reste toujours le premier pas vers le témoignage. Alors demandons à Dieu de nous éclairer sur l’état du cœur de ceux qui nous entourent. Pour pouvoir ensuite leur témoigner de l’Évangile d’une manière adaptée.
Ce mode de communication un peu flou qu’utilise le Christ, par paraboles, a deux conséquences. D’un côté, il montre, il révèle clairement l’incompréhension, l’incrédulité d’une grande partie des contemporains de Jésus. Mais d’un autre côté, il montre de manière encore plus frappante la foi et la bonne disposition de cœur de certaines personnes : le centurion romain dont le serviteur était malade, la femme victime de saignement, la femme samaritaine, le responsable juif dont la fille venait de mourir… Toutes ces personnes dont la foi nous est rapportée par les Évangiles, mais leur foi parait plus marquante encore au milieu de l’incompréhension généralisée de leurs contemporains à l’égard du Christ.
Certaines personnes n’avaient pas fermé leur intelligence ou verrouillé leur cœur. Alors lorsque leurs oreilles ont entendu même cet enseignement sous forme de parabole, lorsque leurs yeux ont vu les miracles qui venaient appuyer l’enseignement du Christ, et bien l’Esprit de Dieu est venu éclairer leur intelligence. Il est venu remuer leur cœur. Et ils ont cru.
Pourtant ce ne sont que quelques personnes. Des cas presque anecdotiques. Il faudra attendre la venue de l’Esprit-Saint avec puissance à la Pentecôte pour voir les cœurs s’ouvrir et se tourner vers le Christ par milliers !
Et il y a là quelque chose d’assez mystérieux. Même pour la conversion, même dans l’histoire du salut, Dieu a un temps qui lui est propre.
Lors du ministère du Christ, ce n’est pas le temps des conversions massives, de l’évangélisation puissante, jusqu’au bout du monde ! Non. C’est le temps de l’annonce, de l’appel, mais aussi du jugement et du pardon. C’est le temps de la croix.
La mission du Christ n’est pas de faire se convertir les humains. Ce n’est pas de changer les cœurs et d’ouvrir l’intelligence. Ca, se sera la mission de l’Esprit-Saint, qui viendra ensuite. Mais la mission du Christ est de venir appeler les humains à se tourner vers lui. Et c’est de souffrir, jusqu’à la mort, à notre place, par amour pour nous. Et le fait que le Christ n’enseigne parfois qu’en parabole est également révélateur de ce qu’est sa mission, et de ce qu’elle n’est pas. Il est venu appeler les humains et les sauver, mais pas les changer.
Et ces quelques personnes qui ont cru ne sont pour nous que les prémices de ce que sera l’œuvre de l’Esprit par la suite. Eclairer l’intelligence pour enfin comprendre cet enseignement du Christ qui paraissait si flou, et faire naitre la foi dans les cœurs.
Quelle que soit la manière par laquelle le Christ aurait enseigné, le peuple n’aurait pas cru. Parce que la mission de Jésus n’est pas d’ouvrir les cœurs. Alors il enseigne en parabole, pour venir illustrer le fait que le peuple écoute, mais qu’il n’entend pas l’appel de Dieu. Il regarde, mais il ne voit pas l’amour de Dieu. Ce sera l’Esprit-Saint qui viendra changer les cœurs et éclairer l’intelligence pour amener les humains à la foi. Et les quelques croyants qui nous sont rapportés dans les Évangiles en sont seulement les prémices.
Il nous faut bien comprendre également cela aujourd’hui encore. La compréhension humaine et la conversion des humains s’inscrit toujours dans le temps de Dieu. Pas dans le notre.
Nous voudrions toujours que les gens acceptent le Christ dès que nous leur parlons de lui ! Nous voudrions voir des conversions instantanées dès que l’Évangile est annoncé ! Nous souhaitons que les cœurs s’ouvrent à Christ en un claquement de doigt ! On voudrait tellement que ce soit plus simple !
Mais cela se passe rarement comme ça. Bien souvent, il y a le temps de l’écoute du message. Puis, parfois seulement des années plus tard, vient le temps de la compréhension, de la conversion et de la foi.
Il y a 10 jours environ, une personne de notre communauté me partageait qu’elle avait grandi dans cette Église, qu’elle avait reçu étant enfant un enseignement, des valeurs, le message de l’Évangile. Cette personne avait écouté. Mais n’avait pas entendu.
Puis, plus tard, à l’âge adulte, cette personne a vu autour d’elle des choses qui heurtaient son cœur et son intelligence. Des choses qu’elle ne pouvait pas accepter. Et alors elle s’est souvenue, elle s’est rappelé ce qui avait été transmis durant l’enfance. Et cette fois, cette personne a compris. Elle a entendu. Et le temps de l’écoute a laissé la place au temps de la foi.
Oui, il nous faut chercher à comprendre ce qui peut bien fermer le cœur et bloquer l’intelligence de nos contemporains. C’est nécessaire pour pouvoir leur parler et agir envers eux d’une manière adaptée. Il est nécessaire de s’intéresser à eux et de les aimer avant de vouloir leur annoncer l’Évangile. Pour pouvoir le faire au mieux.
Mais n’oublions pas que nous n’amènerons JAMAIS personne à croire en Dieu. Ce n’était pas la mission du Christ, et ce n’est pas non plus la notre. Notre mission est d’annoncer, de témoigner, par l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Et celui qui est chargé de changer les cœurs, de faire comprendre, d’amener à croire, c’est l’Esprit-Saint et personne d’autre.
Alors remplissons avec zèle notre rôle de témoin. Mais constamment, dans la prière, demandons à Dieu de venir ouvrir les cœurs à l’annonce de sa Parole. Amen.