Soutien à l’Ukraine

Qui suis-je ?

Pour la prédication d’aujourd’hui, nous n’allons lire un passage biblique qu’assez tardivement dans la prédication. Presque à la fin. Et avant ça, je vais vous parler un peu d’une église assez spéciale. Une église qui existait il y a presque 2000 ans et à laquelle l’apôtre Paul a écrit plusieurs lettres. Cette église, c’est celle de la ville de Corinthe. Elle est intéressante parce que c’est une église jeune, jeune dans sa foi, mais aussi jeune dans sa connaissance de Dieu.

La ville de Corinthe se situe en effet en Grèce, à l’époque c’est une ville très dynamique économiquement. Mais c’est aussi une ville relativement nouvelle, habitée essentiellement par des romains et des grecs. Il y a très peu de juifs dans cette ville. Les habitants n’ont donc pas de culture biblique, ils ne connaissent pas Dieu, et contrairement à d’autres villes comme Jérusalem, Philippe, Thessalonique ou Rome, l’église naissante de la ville de Corinthe n’est pas constituée avant tout de juifs qui se convertissent.

Des personnes d’origine gréco-romaine ont cru au message de l’Évangile, et une église est née dans cette ville de Corinthe. Une église jeune dans sa foi, et jeune dans sa connaissance de Dieu.

C’est une église intéressante pour nous, parce que notre contexte français commence à ressembler à ça. Une société qui n’a quasiment aucune culture biblique, qui ne connait pas Dieu, qui ne sait pas qui est le Christ ou alors qui n’a que quelques préjugés sur le sujet.

Corinthe et notre société se ressemblent. Et cette église est en train de passer par des difficultés que nous pouvons aussi observer de nos jours, notamment chez ceux qui sont comme eux, nouveaux dans leur foi et dans leur connaissance de Dieu.

Alors si vous lisez la 1ère épître de Paul aux Corinthiens, et je vous y encourage, vous allez d’abord avoir l’impression qu’il règne dans cette église une pagaille phénoménale. On a l’impression que c’est n’importe quoi ! Qu’il y a tout et son contraire !

Certains vivent une ascèse très stricte, c’est-à-dire qu’ils s’imposent une discipline de vie très dure. Ils se privent de beaucoup d’aliments, se privent d’alcool, renoncent aux relations sexuelles même à l’intérieur d’un couple marié. Mais à l’inverse d’autres se permettent tout, ils s’enivrent, abusent de nourriture, passent leurs journées à ne rien faire, couchent à loisir avec des prostituées, et même parfois pratiquent l’inceste !

On y trouve également des repas soit disant « fraternels » où les personnes riches se gavent de nourriture au milieu de leurs frères et sœurs en Christ qui ont faim et les regardent manger !

Paul nous rapporte également des dissensions graves, qui poussent certains membres de l’église à se trainer devant les tribunaux.

Des groupes semblent se former, certains affirment tenir de Paul, d’autres d’Apollos, un collaborateur de Paul, d’autres enfin disent tenir du Christ.

Cette église, à la 1ère lecture, c’est n’importe quoi !

Mais cette apparence de n’importe quoi cache en fait un problème de fond simple et unique : les Corinthiens sont en recherche d’identité.

En effet ces croyants sont tous des nouveaux convertis qui ne connaissaient pas Dieu quelques mois auparavant. Et une personne qui ne connait pas Dieu, sur quoi se fonde son attitude ? Ses choix ? Ses valeurs ? Son identité ?

Tout ça se fonde sur ce qui l’entoure. Son éducation, l’exemple de ses parents, l’exemple d’un groupe d’amis ou d’un groupe de travail. Une certaine pensée populaire. Les valeurs de ceux qui l’entourent.

Sans Dieu, nos valeurs et notre identité sont définies par notre contexte. Et il est très difficile de remettre en question des valeurs dans lesquelles nous vivons et avons grandi. Ces valeurs deviennent une partie de nous-mêmes, un peu de ce que nous sommes, une part de notre identité. C’était le cas à Corinthe à l’époque, mais ça l’est encore aujourd’hui.

Quand j’étais étudiant, j’étais frappé de voir que tous mes amis, dont aucun ou presque n’était croyant, vivaient tous globalement de la même manière ! Une soirée entre potes, c’était de l’abus d’alcool. Une relation amoureuse, c’était un coup de quelques soirs. Se faire remarquer par le groupe, ça passait forcément par dévaloriser quelqu’un d’autre. Ces valeurs étaient assez unanimes, et tout le monde ou presque les pratiquaient.

Mais moi je ne partageais pas ces valeurs. J’en avais d’autres, très différentes. Et c’était marquant de voir à quel point mes amis étaient troublés par ma différence. Comme ils étaient sympas, ils ne m’ont jamais rejeté ou exclu. J’étais assis avec eux en cours, je faisais très souvent la fête avec eux, je participais activement à la vie de notre groupe d’amis, j’étais même au cœur de ce groupe, mais dans tout ce que nous faisions ensemble, il y a des choses que je refusais, d’autres que j’acceptais, et ils ne comprenaient pas pourquoi. Je veux dire, ils savaient que j’étais chrétien, déjà pour eux c’était assez bizarre, mais ils ne comprenaient pas comment je faisais pour avoir des valeurs… différentes.

Ils n’avaient toujours connu que leurs valeurs à eux, qu’ils n’avaient jamais remises en question, et ils étaient troublés par des valeurs différentes. Parce que leurs valeurs faisaient partie de leur identité, alors ça les perturbait. A un point tel qu’un jour, j’étais seul avec mon meilleur ami, autour d’une bière. Et il m’a dit « tu sais, en te regardant vivre, je me rends compte que moi j’ai pas choisi ce que je suis. Je le suis parce que j’ai jamais connu que ça. Donc je suis comme ça. Mais j’ai pas choisi. »

Ca m’a fait prendre conscience que même si nous pensons être libres, finalement les valeurs que nous recevons construisent en grande partie notre identité. Et pour les corinthiens, qui ne connaissaient pas Dieu, les valeurs de leur société ont également construit leur identité.

Mais ! Et il y a un énorme « mais ». Un jour, les corinthiens ont entendu le message de l’Évangile. Ils ont entendu parler du Christ, de son amour, de son sacrifice pour nous. Ils ont cru en son pardon, ils ont reconnu leur péché, ils ont accepté le Christ comme leur Sauveur, ils sont devenus enfants de Dieu !

Et alors, ils sont devenus… différents. Ils n’étaient plus les mêmes personnes, ce qui les définissait auparavant était chamboulé. Maintenant ils n’étaient plus simplement fils ou fille de leurs parents, citoyens de leur pays, amis de leur entourage, époux ou épouse de leur conjoint… Ils étaient fils et filles de Dieu, des personnes différentes.

Mais fils ou fille de Dieu, pour eux ce n’était qu’un titre, qu’une appellation. Leur identité d’avant était bien définie, clairement établie. Alors que maintenant, d’accord ils sont différents, ils ne sont plus comme avant, mais « qui sont-ils ? » !

Oui les corinthiens ont rencontré le Christ et ont cru en lui. Oui ils reçu le pardon et le salut de Dieu. Oui ils ont été adoptés par Dieu comme ses enfants. Mais maintenant, ils savent qu’ils sont différents, et ils ne savent plus qui ils sont…

Alors ils vont faire comme la première fois qu’ils se sont construits une identité. Ils vont rechercher des valeurs qui vont les définir. Mais cette fois, des valeurs chrétiennes.

Pour certains, la valeur première va être la sainteté. L’exemplarité de vie. Le renoncement absolu à la moindre petite forme de péché. Et pour être sûr de rester cohérents, ils vont prendre des mesures draconiennes. Ils vont alors s’imposer une vie extrêmement stricte : privation de nourriture et de boisson, renoncement aux relations sexuelles même dans le mariage… Leur nouvelle identité, c’est d’être saints. Alors ils construisent leur vie autour de cette valeur.

Pour d’autres, la valeur chrétienne qui va les définir sera la liberté en Christ. Et ils vont pousser cette valeur dans tous les domaines : nourriture, boisson, relations sexuelles, oisiveté… Tout ce qui compte, c’est rester libre, parce que cette valeur devient le centre de leur identité.

Les corinthiens ne savent plus qui ils sont. Et ils cherchent sur quoi construire leur nouveau « moi ».

Du coup, la division apparait également parce qu’ils se cherchent un nouveau référent, un père spirituel ! Certains disent qu’ils tiennent de Paul, d’autres d’Apollos, d’autres du Christ ! Chacun choisi son père spirituel et une valeur qui va le définir. Mais au final, c’est n’importe quoi…

Pourquoi je vous raconte tout ça ?

Parce que nous parlons souvent de l’importance d’annoncer l’Évangile autour de nous, d’amener les personnes à Christ, d’en faire des disciples du Seigneur ! Mais il nous faut bien comprendre que ce n’est pas si simple. Pour une personne non croyante, se convertir, c’est un renoncement incroyable ! Renoncement à ce que je suis, à ce qui construisait ma vie jusque là, à ce qui me définissait moi !

Et une fois qu’une personne franchit ce pas immensément difficile, ça ne s’arrête pas là. Maintenant il faut l’aider, l’accompagner, l’entourer dans sa nouvelle construction. Une construction difficile. Celle de sa nouvelle identité.

Les corinthiens sont un peu abandonnés à eux-mêmes après leur conversion, alors leur construction d’identité est totalement biaisée. Mais Paul comprend que ce n’est pas qu’ils sont malhonnêtes ou rebelles, simplement qu’ils sont perdus. Alors il ne les gronde pas, mais il les guide vers cette nouvelle identité que Dieu leur a donnée.

Et enfin nous lisons ce passage qui vient mettre la première pierre vers la construction d’une identité en Christ. Nous lisons en 1 Corinthiens chapitre 3 les versets 18 à 23.

1 Corinthiens 3.18-23.

Oui leur dit Paul, si l’on croit que les valeurs de ce monde sont la sagesse, alors devenons fou ! Pour être enfants de Dieu il nous faut être différent de ce monde et de ses valeurs ! Différents de son identité ! Et donc devenir en quelque sorte « fou » à ses yeux, tout comme mes amis de fac qui ne comprenaient pas vraiment pourquoi mes valeurs étaient différentes !

Mais ensuite, pour construire votre identité nouvelle, « que personne ne mette sa fierté dans les hommes » ! Votre identité ne passera pas par vos actes, vos valeurs, ou un quelconque père spirituel ! La sainteté ne pourra pas vous définir, la liberté non plus ! Cela ne sert à rien également de se croire de Paul, d’Apollos ou même du Christ ! Parce qu’alors vous retomberiez à nouveau sous une sorte de loi de ce monde, comme auparavant !

Mais la seule et unique chose qui sera désormais le fondement de votre identité, de qui vous êtes, c’est que vous êtes à Dieu ! Ses enfants par adoption. Ses fils et ses filles. Et cette affirmation ne devient alors pas qu’un titre qu’il faudrait remplir par des valeurs. Elle devient ce fondement sur lequel tout le reste va pouvoir être construit et trouver sa cohérence.

Vous êtes à Dieu, et il vous donne l’ensemble de sa création. Alors soyez libres ! Car comme Dieu vous donne tout, tout est à vous, nous dit Paul ! « Paul, Apollos, Pierre, l’univers, la vie, la mort, le présent ou l’avenir » tout cela vous est donné par Dieu, alors profitez-en librement en tant qu’enfants de Dieu ! Tout est à vous ! Tout ce qui pouvait vous aliéner auparavant vient d’être détruit ! Vous n’êtes plus esclave de la pensée de ce monde, de ce que vous ont transmis vos parents, de ce que pense votre entourage, car eux sont peut-être toujours prisonniers de ce monde, mais vous êtes maintenant des enfants de Dieu libérés par le Christ, est tout est à vous !

Mais n’oubliez pas que dorénavant si tout est à vous, vous êtes à Dieu, et donc responsables devant lui. Responsables de votre manière de gérer les dons qu’il vous fait. Votre vie, votre présent, votre avenir, la manière dont vous les gérez est importante aux yeux de Dieu. Alors recherchez sa volonté pour vous. Et en tant que ses enfants vivez et profitez librement de ce que Dieu vous donne selon vos valeurs nouvelles qui sont celles de Dieu.

Mais ces valeurs ne vous définissent pas. Elles ne vous définissent plus. Elles découlent, elles sont la conséquence de ce que vous êtes, de votre nouvelle identité. Vous êtes à Dieu, ses fils et ses filles. Et ainsi ses valeurs deviennent les vôtres.

Et ces valeurs sont simples, très générales pour ne pas nous aliéner à nouveau, la liste en est très courte : aime ton Dieu, et aime ton prochain comme toi-même.

Comme c’était le cas à Corinthe, tout nouveau croyant passe forcément par une profonde crise identitaire. Alors annonçons l’Évangile ! Montrons notre différence autour de nous pour interpeler ! Vivons selon les principes d’amour de Dieu et du prochain qui découlent de notre nouvelle identité !

Mais prenons soin également de ceux qui n’en sont pas encore là. Qui en sont venus à Dieu, mais qui en sont peut-être troublés, déstabilisés. Ne les jugeons pas, mais comme Paul accompagnons-les vers la compréhension de qui ils sont, et le discernement de ce qui doit en découler. Par le Christ tu es pardonné et libéré de ce monde. Tu deviens une personne nouvelle, un fils ou une fille de Dieu. Et ta liberté nouvelle va se mettre en marche dans l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Et nous, nous serons avec toi, pour le vivre, et t’accompagner.

Pour terminer cette prédication, j’aimerais vous inviter à chanter ensemble un cantique auquel j’ai pensé en écrivant ce message, et en voici quelques paroles : éveille-toi mon âme, voici l’aurore, sors du sommeil, éveille-toi, tu n’es plus seule mon âme, toi qui était nue, pauvre et aveugle, éveille-toi. Il s’est offert, il a payé, il t’a rachetée, éveille-toi. Le tombeau désert, la pierre est roulée, Christ ressuscité, tu vis en moi. Éveille-toi mon âme.