Bonjour à tous.
Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’un sujet assez spécifique, auquel vous n’avait peut-être pas trop réfléchi vu qu’on en parle pas beaucoup dans notre communauté. Ce sujet, c’est le jeûne. Et bien sûr je parle pas des adolescents, mais on va parler du « jeûne » avec accent circonflexe. C’est-à-dire du jeûne comme privation volontaire de nourriture.
Alors je sais normalement ça se prononce « jeûne », mais avec l’accent du sud, on dit généralement « jeune », et c’est comme ça que je vais le prononcer dans cette prédication.
Alors, pourquoi parler de jeûne dans la prédication de ce matin ? Et bien tout simplement parce que cette semaine je suis tombé sur des textes bibliques qui en parlent. Et ça m’a rappelé tout un tas de discussions que j’ai pu avoir sur ce sujet avec des personnes de sensibilités évangéliques différentes. Ces discussions étaient bien souvent très paisibles, parce que c’est pas forcément un sujet central. Mais les avis étaient extrêmement divers sur le jeûne.
Je suis donc retourné à la source, c’est-à-dire la Bible elle-même, et j’aimerais vous partager ce que j’en ai tiré. Parce qu’il se trouve que ce qui devait juste servir à étancher ma curiosité a fini par devenir quelque chose de très nourrissant pour moi. Et quand le jeûne devient nourrissant, ça mérite d’être partagé.
Alors dans la Bible, on parle finalement très très peu du jeûne. Et ce qui m’a étonné, c’est que le jeûne est même complètement absent de la Loi de l’Ancien Testament. Ca m’a surpris parce que lorsqu’on voit les pharisiens de l’époque de Jésus pratiquer le jeûne deux fois par semaine et critiquer ceux qui ne le font pas, on a l’impression que ça fait partie de la Loi, que c’est donc très important !
Et bien non. Le jeûne est absent de la Loi de Moïse. Ce n’est qu’une tradition rajoutée avec le temps. Et d’ailleurs Jésus et ses disciples ne pratiquaient pas le jeûne, du moins pas durant le ministère du Christ.
C’est déjà quelque chose de rassurant. Ce n’est pas une Loi de Dieu. Ca ne fait pas partie de ce qui est essentiel à ses yeux. On n’a donc pas besoin de se sentir coupable si le jeûne ne fait pas partie de nos pratiques. Je tiens à le relever, parce que dans certains milieux d’Église, des personnes sont culpabilisées, parce que les autres pratiquent le jeûne et elles non. Et cette absence du jeûne dans la Loi de Moïse ou dans la vie du Christ vient nous rassurer à ce sujet. Ne nous sentons pas coupable sur cette question du jeûne.
Une fois que nous sommes rassurés à ce sujet, nous pouvons alors nous poser la question de qu’est-ce que le jeûne ? A quoi sert-il ? Et surtout quel est le jeûne qui plait à Dieu ?
Et bien je vois trois grandes raisons qui peuvent pousser à jeûner.
Nous pouvons jeûner pour nous humilier devant Dieu. Par exemple pour montrer notre regret, notre repentance face à notre péché. La repentance, l’humilité, s’expriment alors jusque dans cet abaissement, ce renoncement que représente la privation volontaire.
Nous pouvons également jeûner pour montrer notre dépendance totale envers Dieu. Nous savons que nous ne méritons rien, que tout nous vient de Dieu, et le jeûne peut être une manière de montrer que c’est Dieu qui me donne toute chose. Alors je suis prêt à renoncer à tout car je sais que lui pourvoit à tous mes besoins. Et cet aspect de la dépendance se voit notamment lorsque nous jeûnons à cause d’une grande souffrance. Si dans la douleur nous nous tournons vers Dieu, dans le jeûne et la prière, c’est bien que nous cherchons auprès de lui et de lui seul la délivrance et le réconfort. C’est donc un moyen de montrer notre dépendance totale vis-à-vis de Dieu.
Ces deux aspects du jeûne sont, je le pense, sincèrement bon. L’humilité et la dépendance de Dieu. Ces deux démarches sont extrêmement saines. Même si effectivement nous n’exprimons pas tous notre humilité ou notre dépendance par le jeûne, le jeûne n’est qu’un moyen de l’exprimer. Certains le pratiquent quand tout va bien, d’autres dans la souffrance, d’autres ne le pratiquent pas. Mais dans tous les cas, ces démarches d’humilité et de dépendance sont bonnes.
En revanche je vois peut-être également une troisième intension que nous pourrions avoir dans le jeûne. Et cette fois c’est une intension qui est plus… dérangeante.
Nous pouvons être tentés d’associer le jeûne à nos prières pour essayer, en quelque sorte, de forcer un peu la main à Dieu. Comme si nous imposer quelque chose de difficile pouvait rendre notre prière plus forte, plus efficace, plus recevable.
Et cet aspect du jeûne est pour moi dangereux. Dangereux parce qu’il peut nous donner l’impression que ceux sont nos efforts qui vont faire changer Dieu d’avis. Et je ne parle pas uniquement d’effort dans le sens de notre persévérance dans la prière, ça la Bible nous y encourage. Mais je parle ici d’effort comme si en plus de prier, il nous fallait faire un acte quelconque pour plaire à Dieu, pour que notre prière soit entendue. Ca peut nous donner l’impression que si je fais ceci, ou cela, je serai exhaussé. Comme si alors je le méritais.
Mais alors, où est passée notre humilité ? Ou est passée notre dépendance ? Où sont passés les deux aspects très positifs du jeûne volontaire ?
Ici il n’y a plus d’humilité, parce que j’ai en partie l’impression que c’est moi qui m’exhausse moi-même. Il n’y a plus de dépendance, parce que je ne suis plus dans une attitude de recevoir quelque chose de Dieu dans la prière, mais de le forcer à me donner, comme par un mérite.
C’est un peu l’attitude des pharisiens de l’époque de Jésus. Ils pensaient que pratiquer le jeûne leur faisait mériter l’approbation de Dieu, et donc sa bénédiction. Mais il n’y avait aucune humilité ou dépendance dans leur démarche. Et Jésus les traite d’ailleurs d’hypocrites à cause de ça.
En revanche, persévérer dans la prière, avec humilité et dépendance, c’est différent de chercher à acquérir quelque chose par nous-mêmes.
Le jeûne volontaire, cela doit traduire notre dépendance vis-à-vis de Dieu dans notre vie, et notre humilité devant sa gloire et sa grandeur, mais ça ne doit certainement pas devenir un moyen de pression auprès de Dieu.
Le jeûne est un moyen d’exprimer à Dieu notre humilité et notre dépendance.
Mais il reste encore une question : concrètement, comment jeûner ? Parce que finalement, jeûner, c’est juste renoncer volontairement à tout ou partie de notre nourriture ou de nos biens. Jeûner c’est juste renoncer à quelque chose pour manifester à Dieu notre humilité et notre dépendance. Alors comment le faire ? Pourquoi est-ce que la plupart des gens pensent que la bonne manière de jeûner, c’est en priant ? Est-ce qu’on a demandé à Dieu comment ça lui plairait de nous voir jeûner, de nous voir renoncer volontairement à quelque chose pour lui montrer notre humilité et notre dépendance ?
Et bien il y a justement un texte dans la Bible où Dieu en a un peu mare de tous les jeûnes, parfois un peu hypocrites, que pratique son peuple. Alors il vient les reprendre et leur expliquer ce qu’est le jeûne qui pourrait lui plaire. Ce texte se trouve dans le livre d’Ésaïe, au chapitre 58, les versets 3 à 9.
Lecture Ésaïe 58.3-9.
Ici, Dieu est en train de dire à son peuple « tu veux me montrer ta gratitude devant tous les bienfaits que je t’accorde ? Tu veux manifester que c’est de moi que tu dépends ? Tu veux me montrer ton adoration ? Tu veux être humble devant tous les cadeaux que je te fais ? Alors si tu dois te priver, ne le fais pas pour moi. Ne le fais pas pour me prouver quoi que ce soit. Ne le fais pas de manière injuste, hypocrite ou égoïste. Mais fais-le en donnant aux autres l’amour que tu as reçu en premier ».
Nous pouvons nous priver face à une profonde humilité ou une sincère dépendance. Particulièrement dans des moments douloureux. Cela se comprend, et ce n’est pas mauvais. Mais ensuite, après avoir reçu de Dieu le réconfort. Le Seigneur ne nous encourage pas à persévérer rituellement, régulièrement dans la privation volontaire pour nous-mêmes, ou pour lui prouver quelque chose. Mais si nous lui sommes réellement reconnaissants, alors il nous demande de faire déborder l’amour que nous lui portons jusque sur les autres.
Que nos privations, que notre jeûne, ne soient pas une habitude vécue seulement avec Dieu. Que nous ne nous privions pas pour nous-mêmes. Mais que nous nous privions plutôt pour les autres. Et comment est-ce qu’on appelle ça, une privation volontaire en faveur d’un autre ? Ca s’appelle le partage.
Dieu désire que la joie de ce que nous avons reçu rejaillisse également dans la joie du don que nous faisons aux autres.
Vécu de cette manière, le jeûne reste l’expression de notre humilité, de notre foi et de notre dépendance. Notre humilité, parce que nous reconnaissons que c’est Dieu qui prend soin de nous. Notre foi, parce que nous savons que c’est Dieu qui pourvoit, et que ce n’est pas en partageant par amour que nous allons manquer. Notre dépendance, parce que nous reconnaissons que nous ne méritons rien. Et que même ce que Dieu me donne, il le fait gratuitement, par amour. Et de la même manière, moi aussi je suis appelé à l’amour gratuit envers les autres.
Vous voyez, on sort finalement de la compréhension assez populaire du jeûne. On pensait que jeûner, c’était se priver. Mais selon Dieu, jeûner, c’est plutôt partager.
On pensait que jeûner c’était quelque chose entre nous et Dieu. Mais selon Dieu, jeûner, c’est une chose tournée vers les autres.
On pensait que le jeûne était tourné soit vers la prière, soit causé par la souffrance. Mais selon Dieu, jeûner est avant tout l’expression de l’amour.
Alors vécu de cette manière là, oui, je nous encourage tous à jeûner avec joie. Amen.