Soutien à l’Ukraine

Grande tempête et petite foi

Si j’ai choisi ce texte de la tempête, c’est bien entendu parce qu’il me semble que nous en traversons une en tant que communauté mais aussi chacun personnellement avec le départ de notre frère et ami Marc. Nous sommes dans une tempête dont chacun ressent l’intensité d’une manière qui lui est propre mais chacun la vit et chacun vit des tempêtes dans sa vie, comme les disciples dans la barque. Relisons Luc 8 : 22-25 .

Rappelons que nous sommes au tout début du ministère de Jésus. Jésus est encore en Galilée avec les 12 disciples fraîchement diplômés du choix de Jésus sur eux. Ils ont été choisis et ils ont suivis. J’imagine que les 12 disciples et Jésus se connaissent à peine. Ils n’on pas vécu grand-chose ensemble. Il y a eu le sermon sur la Montagne, un sermon hors norme mais maintenant qu’une tempête se lève sur le lac et le grand rabbin Jésus dort au fond de la barque, les 12 disciples choisis d’en haut sont assez désorientés, apeurés même, dans une situation qu’ils n’ont pas prévu, elle est périlleuse

Il faut dire à leur décharge que les tempêtes sur ce lac sont extrêmement violentes, elle peuvent se lever en 20 minutes. Le lac est à 200 mètres en dessous du niveau de la mer, entouré de montagnes, quand l’air froid des montagnes arrive de l’est et rencontre l’air chaud du lac, c’est la tempête. Et les disciples ont peur, une grande peur, « phobon megan », nous dit Marc pour le même récit, à cause du grand vent « un méga vent ».

« Nous somme perdus » disent ces courageux marins d’eau douce. Et on peut  trouver qu’ils exagèrent un peu. Mais quelque part ils ont tout à fait raison. Ils sont perdus face aux tempêtes de la vie et nous le sommes aussi. Sauf que quelqu’un est embarqué avec nous dans cette barque et que sa seule présence va faire la différence.

Et Jésus se réveille malgré tout et aura cette phrase très difficile à accepter pour ces gens choisis, triés sur le volet.  « Ou donc est votre foi ? »

Et il y a un peu d’ironie dans l’air. Ou donc est votre foi, si elle est là, elle est bien discrète ! L’auriez vous oubliée sur la plage ? Les disciples ont tous regardé leurs sandales mouillés par les embruns. Ils devaient bien reconnaître qu’ils avaient la foi au fond des baskets…

Jésus dans l’Evangile de Matthieu pour le même récit dit « Votre foi est bien petite ».

Le vent est mega fort, la peur est mega phobique, le calme qui revient après la tempête est aussi méga paisible… tout est méga mais votre foi est toute petite.

Et on se souvient de la traduction dans nos anciennes versions, toujours pour cette petite foi dans l’Evangile Matthieu « gens de peu de foi ».

Qui traduit bien l’original : oligos comme dans oligo éléments, un adjectif qui veut dire : petit, peu nombreux, de petite quantité, de petite intensité.

Gens de peu de foi, avec une foi bien fragile qui ne résiste pas aux intempéries de la vie. Jésus les malmène quelque peu, on pourrait même dire qu’il les chambre ! Mais il calme la tempête malgré tout, malgré cette foi de petite intensité. Il les a choisit malgré tout, ces gens de peu de foi, il nous a choisi également… hommes et femmes de peu de foi.

Un peu plus loin dans le même évangile de Luc, chapitre 17. On y voit un autre épisode très intéressant, qui vient comme un écho à cette tempête sur la foi des disciples. Jésus et ses disciples sont en route vers Jérusalem. Il n’y a pas de tempête mais une discussion sur le pardon sur cette obligation en tant que disciple de pardonner toujours et toujours jusqu’à 7 fois s’il le faut. Et les disciples vont avoir une réaction étrange, ils vont demander à leur maître qu’ils suivent depuis plus de deux ans : « Augmente-nous la foi. »

On a l’impression qu’ils demandent une augmentation. Ils sont là devant le patron, comme le syndicat des disciples réunis, et ils veulent une augmentation non pas de salaire mais de foi. Ils semblent que les disciples sacrifient déjà au principe de la croissance dans tous les domaines et même celui de la foi. On veut plus de foi, plus de pouvoir, plus de puissance, plus de résultats peut-être. Une foi bien musclée en quelque sorte. On ne va pas leur faire un procès d’intention à ces disciples, ils sont ce qu’ils sont, ils ont comme nous de bonnes intentions et d’autres moins bonnes, ils ont l’esprit bien disposé pour la plupart mais la chair de tous, est faible…

Mais Jésus, comme d’habitude, va surprendre par sa réponse;

Il ne leur parle pas d’augmenter le potentiomètre de leur foi. Il ne leur demande pas non plus de faire des exercices musculaires pour faire gonfler les pectoraux de la foi. Non, Jésus qui n’est pas un gérant de salle de musculation, mais qui est l’auteur de la foi et qui la mène à la perfection, va nous parler de la foi : « Et le Seigneur dit : Si vous aviez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à ce mûrier : Déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait. »

On sait tous depuis longtemps que le grain de moutarde ou de sénevé est une des plus petites graines mais que le moutardier est une belle grande plante (arbrisseau). Mais jésus ne nous parle plus de la plante que peut donner le grain de moutarde mais d’un mûrier. Une plante magnifique paraît-il avec de beaux fruits noirs, de belles feuilles qui peuvent abriter des vers à soie.

Mais on peut se demander ce que signifie cette réponse. Est-ce un reproche que Jésus fait à ses disciples pour leur trop petite foi, qui serait donc encore plus petite qu’un grain de moutarde. Jésus leur fait-il un reproche pour leur foi trop petite ?

Mais les disciples lui demandent justement qu’il augmente leur foi ? On ne peut pas reprocher à quelqu’un qui demande que sa foi augmente que sa foi est trop petite ! On tourne en rond. (Ce serait comme reprocher à celui qui nous demande de le sauver de la noyade de ne pas savoir nager !) « Mais c’est justement pour cela que je te demande de me sauver de la noyade, dirait le noyé en buvant la tasse. »  Ça n’a pas de sens !

On peut également se poser la question de savoir de quelle utilité serait d’arracher un mûrier et de le jeter dans la mer ! Aucune, ce serait un acte tout à fait inutile et même anti-productif, avec la noyade des vers à soie, les fruits pourrissant dans la mer. Ce la ne sert à rien de lancer un murier dans la mer. Après tout la mer ce n’est pas un dépotoir. De même que pour déplacer les montagnes (Matthieu). A quoi cela sert-il de déplacer une montagne pour la remettre un peu plus loin, juste pour une question de paysage ?

Ce sont des images évidemment de choses difficiles à faire et même impossible mais l’idée d’inutilité est aussi présente comme une pasteure, Corinne Akri, me l’a fait remarquer en 2007.

Parce que ces deux images se rapportent à des actions extraordinairement inutiles, je crois qu’il faut aller chercher ailleurs que vers le reproche pour comprendre la réponse de Jésus. Jésus ne semble pas vouloir répondre à la demande d’augmentation de la foi de ses disciples aussi bien intentionnée soit-elle.

Au contraire avec sa réponse imagée, Il leur dit qu’il ne marche pas dans la combine du toujours plus même en matière de foi. Il leur dit, à eux ces disciples soumis aux échecs, et aux faiblesses, aux tempêtes de la vie, il leur dit : votre foi est suffisante, ne vous attardez pas sur la mesure de la foi. Dans le royaume de Dieu nous ne sommes ni comptables ni géomètres, et nous aimons même ce qui est petit et même plus petit que le petit. Et la foi est de cet ordre.

Il me semble que Jésus dit à ses disciples comme Dieu à Gédéon dans le livre des Juges va « avec la foi que tu as » (j’ai changé « force » par foi ). C’est pleinement suffisant pour ta vie, pour relever les défis de la vie, parce que ce qui compte ce n’est pas la quantité  de la foi mais l’objet de la foi, la direction de la foi : Jésus-Christ, fils de Dieu, importateur exclusif du royaume nouveau, celui qui est là dans la barque et qui a pour tous les paroles de la vie éternelle, manifestation exceptionnelle de la grâce de Dieu, ce Christ qui par sa mort et sa résurrection corporelle est notre espérance. Petite foi sur un grand homme, une petite foi sur un grand Dieu.

Comme l’écrivait un commentateur, «  la foi véritable est toujours un mouvement de repli vers le Seigneur. Sa force n’est jamais la sienne propre mais toujours celle de Jésus Christ. Elle est si petite qu’elle ne saurait rien attendre d’elle-même. C’est en riant d’elle-même qu’elle se met à l’œuvre » (Gollwitzer page 180).

Et cet auteur en parlant d’une foi qui se rit d’elle-même, nous parle de quelque chose d’important dans la foi : il nous parle d’humilité.

Une foi humble, consciente de sa petitesse, de sa faiblesse, de son manque de foi, mais une foi qui s’abandonne à Jésus, qui vient le réveiller au fond de la barque de sa vie parce que la peur est aussi grande que ma foi est petite. Voilà la foi que Jésus aime voir parmi ses disciples. Une foi qui ne cherche pas à se montrer ni a rouler des « mécaniques» mais qui vient humblement lui demander son aide pour sa vie.

Une foi qui serait tout sauf mégalomane.

Une foi qui repose sur une relation avec lui, notre espérance dans ce monde, notre assurance pour la vie, une petite foi pour apaiser nos grandes peurs.

Quand dans Matthieu 14 : 30 Pierre se jette à la rencontre de Jésus alors qu’il est plein de foi, mais on ne sait pas trop de quelle foi il s’agit. On va dire qu’il a confiance mais lorsqu’il perd le contact visuel avec Jésus et qu’il commence à regarder le vent, la mer, c’est-à-dire les circonstances de sa vie et qu’il commence peut-être à se poser des questions sur la taille de sa foi : Est-ce que ma foi est assez grande pour continuer ou pas ? C’est là qu’il s’enfonce.

Pour Pierre, disciple comme pour les autres, le secret de la foi c’est de la garder petite et surtout garder les yeux fixés sur Jésus, qui est avec nous dans la barque.

Puis il y a dans l’Evangile de Marc cette histoire d’un père qui s’approche de Jésus pour qu’il guérisse son enfant et qui lui dit cette parole qui a traversé 21 siècle :  (Marc 9 :24) « Seigneur je crois, vient au secours de mon incrédulité. » L’incrédulité, c’est l’absence de foi (avec encore le fameux a-privatif), privé de foi ou en manque de foi, ou petite foi. Une phrase paradoxale, je crois mais je n’y crois pas… Et dans cet homme traversé par des courants contraires, Jésus trouve un lieu pour déposer sa grâce.

Où est donc votre foi ? Demande jésus.  Elle est en toi, et en toi seul, dit le disciple.

Et vous que dites-vous ? En ce temps de tempête que nous vivons tous dans notre lac intérieur, nous voulons chacun pour sa part et ensemble garder les yeux fixés sur Jésus, et lui faire humblement confiance. Retrouver une petite foi, en Jésus seul.

Amen.

Chant: En jésus seul